En attendant la libération

12 mai 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
En attendant la libération

Confiné à Paris avec sa femme et son fils, le photographe Ed Alcock, membre de l’agence Myop, a réalisé un carnet de bord de sa quarantaine. Stérile dévoile un monde aseptisé, où humour, craintes et questionnements rythment un quotidien absurde.

« J’ai démarré cette série à midi, le 17 mars 2020 – le premier jour du confinement. L’image initiale a été celle de mon smartphone, enveloppé dans de la cellophane. Une tentative désespérée de protection contre le Covid-19 »

, raconte Ed Alcock. Durant la période d’enfermement, le portraitiste d’origine britannique a construit Stérile, un carnet de bord photographique illustrant sa vision de la quarantaine. Installé dans son appartement parisien, avec sa femme et son fils adolescent, il attend – un remède, des nouvelles du reste du monde, ou simplement un retour à la normale.

« C’est incroyable de se retrouver dans une telle situation. Je me suis souvenu de Vladimir et Estragon, dans En attendant Godot de Samuel Beckett. J’avais vu une représentation de la pièce, il y a des années, à Sheffield, dans laquelle tout était blanc : les vêtements des acteurs, la scène, l’arbre dans le coin ». Un univers aseptisé et surréaliste faisant écho à la situation actuelle.

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

Un quotidien enlisant

Portraits, natures mortes, pensées et excursions exceptionnelles dans les rues parisiennes rythment la série d’Ed Alcock. Chaque mise en scène, étrangement statique, cloue les corps sur place, et témoigne d’un quotidien enlisant. La nourriture et les médicaments diminuent, au fil des jours, seuls témoins d’un temps qui passe trop lentement. Dominé par un blanc clinique, Stérile illustre avec humour et sensibilité cette expérience vécue simultanément par une grande partie du monde. « Il y a quelque chose d’absurde dans l’idée d’ordonner aux gens de s’enfermer chez eux. Comme si la maison était l’endroit le plus sûr, qu’elle était exempte d’infection », explique le photographe.

Organisé en diptyque, le projet prend la forme d’un journal intime. Chaque jour, une photo, inspirée par des questionnements, des inquiétudes de plus en plus pressantes. « Comment sortir ? Que signifie le port obligatoire du masque ? Les hommes et les femmes ont-ils des sentiments différents à ce propos ? Pourquoi ne trouve-t-on pas de pâtes ou de papier toilette au supermarché ? Comment mon fils est tombé malade ? Va-t-il s’en sortir ? Allons-nous survivre économiquement à cette période ? », s’interroge-t-il. Se fiant à son intuition, l’auteur réalise chaque saynète devant un fond blanc, et se soumet à une introspection visuelle. Au fil des images, qui s’emboîtent comme les pièces d’un puzzle, le présent efface tout contexte. Dans ce décor immaculé, l’attente s’impose et transforme les tracas du quotidien en questions existentielles. Nous voici, nous aussi, condamnés à attendre une résolution, un résultat inconnu, tout comme les personnages de Samuel Beckett.

 

Les photographes de l’agence Myop ont publié quotidiennement, sur leur compte Instagram, des images  inspirées par le confinement. Un projet baptisé Sine Die – Sans en voir la fin.

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

© Ed Alcock / M.Y.O.P. 2020

Explorez
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
© Cecilia Pignocchi. Tempo Bello
Les coups de cœur #518 : Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau
Cecilia Pignocchi et Emma Corbineau, nos coups de cœur de la semaine, dévoilent un cabinet de curiosités constitué de souvenirs et de...
11 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
© Antoine De Winter Courtesy Hangar Gallery
Approche 2024 ou l’art de mettre en scène
Du 7 au 10 novembre 2024, le Salon Approche présente sa 8e édition. Au 40 rue de Richelieu, à Paris, quinze expositions personnelles...
07 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
© Claudia Andujar
Paris Photo 2024 : Capitale en ébullition
Rendez-vous incontournable de la scène photographique internationale, Paris Photo fait son retour au Grand Palais du 7 au 10 novembre....
07 novembre 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
© Delphine Diallo
Nothing Artificial : la Fisheye Gallery au-delà de ses murs
À l’occasion de Paris Photo, la galerie parisienne de Fisheye amorce son nouveau positionnement en présentant, du 6 au 10...
05 novembre 2024   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Cloé Harent remporte le grand prix Tremplin Jeunes Talents 2024 !
© Cloé Harent
Cloé Harent remporte le grand prix Tremplin Jeunes Talents 2024 !
Cette année, le jury de Planches Contact a décoré Cloé Harent du grand prix Tremplin Jeunes Talents qui, comme son nom le suggère...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
© Jade Joannès
Regards du Grand Paris : six nouveaux noms s’ajoutent à la commande photographique
Chaque année, six photographes rejoignent la commande nationale Regards du Grand Paris. Comme son nom le suggère, l’initiative entend...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Kamala Harris lors de la convention nationale démocrate américaine à Chicago, le 20 août 2024. © Natalie Keyssar pour le New Yorker.
Présidentielle américaine : polarisation maximale
Au cœur de la campagne électorale, les photojournalistes ont le pouvoir de capturer la puissance de l’Histoire, mais aussi de dévoiler...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Metamorphosis © Claudia Fuggetti
La nature infestée de Claudia Fuggetti
Dans Metamorphosis, Claudia Fuggetti compose les interférences artificielles qui existent entre le monde humain et la nature. Sa...
13 novembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger