« Je ne sais pas pourquoi, un jour, j’ai ouvert un magazine de mode – sûrement un Vogue, un classique – et la série à l’intérieur racontait quelque chose, nous plongeait dans une certaine atmosphère. Je me suis rendu compte que le photographe avait tissé un même récit sur dix pages. Tout cela m’a rappelé le cinéma – que j’ai brièvement étudié – en beaucoup plus accessible. Je pouvais me lancer tout seul : je n’avais besoin que d’un appareil, d’un sujet et je pouvais sortir une mini histoire photo », commence Maxime Frogé. Quoiqu’elle narre les prémices d’une inclination pour le 8e art, cette anecdote témoigne également d’une rencontre marquante avec le hasard qui ne le quittera plus. Passionné par les images et leur fabrication, l’artiste parisien a fait des signes du destin le leitmotiv de sa propre histoire.
Quelque temps plus tard, alors qu’il poursuivait « des études hasardeuses », le photographe de mode en devenir a reçu un appel inattendu : son interlocuteur a remarqué son travail et lui propose une collaboration. « C’était la première main que l’on me tendait et je sentais que si je refusais, j’allais passer à côté de quelque chose. J’ai quitté le cours auquel j’assistais, j’ai attrapé cette main et je ne suis plus jamais revenu à la fac », se souvient-il. Étranger au monde de la mode, il y découvre une infinité de matières, de mouvements et de tombés qui, à l’image, s’expriment d’une tout autre manière. Sensible aux formes et aux émotions qu’elles suscitent, les vêtements et les silhouettes qu’il capture apparaissent dès lors comme des figures symboliques dont les significations se déclinent selon les regards.
Une aura de mystère
« Je n’ai pas de culture mode, ce n’est pas ce qui m’intéresse. J’aime aller chercher le beau, l’esthétique, le passé et même l’âme, tout compte fait, de mes modèles. J’ai envie de voir ce que les gens peuvent m’offrir lorsque je les prends en photo. Mon souhait est de capturer quelque chose que les autres n’ont pas réussi à saisir en eux », confie Maxime Frogé. Dans ses portraits, cette volonté se traduit par des couleurs tendres et chaleureuses, quelques flous ou fondus vaporeux et des fleurs qui miment les décors et les corps. Le sujet est nimbé d’une aura de mystère, comme s’il émanait de lui toute l’essence de son être dans une générosité singulière, douce et fragile à la fois.
Pour manifester davantage la trace de cette présence humaine autour de laquelle gravite toute sa démarche, l’artiste déchire, annote et recompose ses tableaux dans une pratique qui convoque les sens. À mesure que les fleurs s’épanouissent et embaument les cœurs de parfums enivrants, les personnalités se dévoilent et révèlent leurs couleurs véritables dans des nuances éclatantes. Le mouvement caressant d’un rayon de soleil ou d’un halo de lumière effleure la peau comme de nouvelles étoffes, qui enveloppent la chair d’un manteau évanescent. En contrepoint, les quelques natures sauvages qui composent son œuvre apparaissent comme des havres de paix, où l’environnement serein s’aligne sur les émotions, tels des paysages-états d’âme apaisés. « Ne pas avoir cette culture de l’image libère ma créativité, car je n’ai pas cette pression de me dire que ça a déjà été fait », conclut-il.
© Maxime Frogé