Passionné par les techniques d’impression, Mikael Siirilä, artiste venu d’Helsinki crée, dans sa chambre noire, des images réductionnistes aussi esthétiques que mystérieuses.
« Je ne pense pas être un très bon photographe
, s’amuse Mikael Siirilä. Je ne suis motivé que par l’idée de réaliser un type d’image très précis, selon mes termes. » Se décrivant plutôt comme un « artiste de la chambre noire », le Finlandais réalise, depuis dix ans, des œuvres aux nuances crème, où se croisent silhouettes humaines, natures mortes et poésie. « La photographie et l’art de l’impression sont pour moi des manières de contempler, de réfléchir à l’existence humaine. Je souhaite donner à voir des clichés iconiques, produits d’un regard purement subjectif. C’est pourquoi je n’accepte ni projet ni commande, d’ailleurs », poursuit-il.
Des œuvres qu’il construit au moyen d’un processus réfléchi. Armé de son seul boîtier, l’auteur capte son environnement en toute discrétion, cherchant à limiter les interactions avec ses sujets. « Ontologiquement, c’est essentiel. Cela me permet d’affirmer mon statut d’étranger. Les origines d’une image, c’est l’art de regarder, pas l’imagination ou la créativité », déclare-t-il. C’est dans la chambre noire que la magie opère véritablement. Plusieurs mois après avoir pris ses photos, Mikael Siirilä développe ses négatifs, qui deviennent son matériau principal. Une distance qui lui permet de recontextualiser l’instant, de faire émerger des thèmes récurrents, de transformer « les lieux, les événements, le temps en éléments arbitraires ».
L’au-delà du cliché
Car ce n’est pas l’histoire dans l’image qui intéresse l’artiste, mais plutôt ce qui se déroule autour de son cadre. Dans ses prises de vue, les corps n’apparaissent que coupés, les visages cachés, les objets sectionnés. Des fragments laissant une grande place au vide, à l’inexplicable. « Mes images interrogent les notions d’absence, de présence, d’étrangeté et d’identité. Pour moi, le pouvoir d’une photographie est de suspendre la narration, de figer quelque chose, de manière silencieuse, non verbale. Ainsi, j’enlève toute identification possible pour souligner cette dimension », explique l’auteur. Et, face à cette absence de sens, le regardeur doit se tourner vers « l’au-delà du cliché » pour comprendre. Sentir les rebords, découvrir l’invisible qui entoure un élément. Sorties de leur contexte, les scènes deviennent des bulles attendant d’être remplie par ce quelque chose d’aussi puissant que mystérieux.
Sensible à la poésie, Mikael Siirilä se plaît à comparer les vers littéraires aux poèmes visuels. « Dans les deux cas, les auteurs jouent avec le langage, et sont très conscients du caractère pictural de leurs œuvres. Ils entendent mettre le spectateur à l’épreuve, le pousser à réfléchir, à découvrir. Mais je crois que l’art visuel est bien plus nuancé, plus universel que les mots », poursuit-il. Dans une recherche constante de brillance, le photographe fait de chaque création un tableau marquant, où les sujets glissent, s’échappent. Une scène où le néant qui s’installe ne fait que renforcer la force des détails. Une mosaïque au grain prononcé dont les nuances apaisantes nous invitent à nous perdre dans la contemplation, à la recherche de ce qu’on ne montre pas.
© Mikael Siirilä