Récit familial en deux temps

29 juin 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Récit familial en deux temps

Dans Je n’écris plus pour moi seule, la photographe française Lise Dua fait dialoguer les souvenirs de ses parents avec ses propres créations. Un récit aux voix multiples réunissant passé et présent.

« J’ai longtemps eu l’impression d’être venue à la photographie assez tard. Je me rends compte aujourd’hui, en observant les images réalisées par mon père, que cet apprentissage a en fait commencé bien plus tôt, par observation et imitation »,

raconte Lise Dua. Aujourd’hui photographe et enseignante en photographie, l’artiste française développe des projets intimes, dans lesquelles elle interroge les notions de répétition, de ressemblance et de dualité. Souvent écrits sur plusieurs années, ses récits visuels jouent avec le temps et ses distorsions et mettent en scène des individus en pleine évolution.

Je n’écris plus pour moi seule est un récit familial, intergénérationnel. « Mes parents se sont rencontrés au club photo. À mes trois ans, ils se séparent, et mon père me photographie plus fréquemment – je deviens son modèle. Peu à peu, il délaisse le 8e art, et, de mon côté, j’oublie ses images. Lorsque je redécouvre le médium, je me tourne instinctivement vers ma sœur, qui deviendra, à son tour, mon modèle de prédilection », explique l’auteure. Les similarités entre leurs écritures – échos troublants entre passé et présent – la poussent alors à se plonger dans les archives de ses parents.

© Lise Dua

Marie et Lise, 1994

Une histoire familiale anachronique

Planches contacts, diapositives, négatifs… Lise Dua s’immerge dans la collection de clichés de son père, et les confronte à ses propres créations. « J’ai compris qu’il me fallait interroger l’idée de transmission inconsciente », confie-t-elle. Peu à peu, le projet s’enrichit de textes de sa mère, et prend la forme d’un ouvrage. Un livre retraçant, de manière anachronique, une histoire familiale. Il est difficile, au fil des images, de distinguer le rêve du réel, et le passé du présent. Textes, archives et clichés contemporains fusionnent, et se nourrissent les uns des autres. Au cœur de cette épopée intime, les relations s’enchevêtrent et l’héritage photographique prend de l’importance. Passés d’un parent à l’enfant, le goût pour l’art et l’envie de capter un moment, transcendent les époques.

« Ce projet m’a permis de me poser des questions autour du point de vue : qui prend la photographie ? Où le photographe se place-t-il, par rapport au modèle ? Que nous montre ce dernier ? La manière dont les images sont prises nous renseignent quant au rôle que chacun occupe au sein de la famille, et quant aux relations entre les individus », ajoute Lise Dua. Bercée par les souvenirs de sa jeunesse, elle compose un conte imagé et laisse parler son imaginaire enfantin. Entre jeux de mémoire et inventions, elle rédige un journal aux voix multiples, une « enquête protéiforme autour de la famille ».

© Lise Dua© Lise Dua

à g. Michel photographiant, anonyme, autour de 1990, à d. Clara par Lise, 2012

© Lise Dua

Lise et Michel, par Michel, 1998

© Lise Dua© Lise Dua

à g. Lise par Michel, 2004, à d. Lise et Clara, par Lise, 2010

© Lise Dua

Assemblage de différentes photographies d’identité de Marie, Clara et Lise, entre 1970 et 2019

© Lise Dua© Lise Dua

à g. Lise par Michel, 2003, à d. Clara par Lise, 2013

© Lise Dua

Marie et Lise, par Michel, 1990

© Lise Dua© Lise Dua

à g. Lise par Michel, 1997, à d. Lise et Michel, par Lise, 2014

© Lise Dua

Explorez
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Katrin Koenning et le deuil partagé du vivant
© Katrin Koenning, between the skin and sea / Courtesy of the artist and Chose Commune
Katrin Koenning et le deuil partagé du vivant
Photographe établie en Australie, Katrin Koenning signe between the skin and sea, un livre bouleversant paru chez Chose Commune en 2024....
27 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #508 : jeux de mains
@ Zoé Schulthess / Instagram
La sélection Instagram #508 : jeux de mains
Lien entre soi et le monde, la main suscite un intérêt immuable dans le domaine des arts. Les photographes de notre sélection Instagram...
27 mai 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Êtes-vous triste ? : Sophie Calle au Mrac Occitanie
© Sophie Calle
Êtes-vous triste ? : Sophie Calle au Mrac Occitanie
Jusqu’au 21 septembre 2025, le Mrac Occitanie à Sérignan accueille l’exposition Êtes-vous triste ?, une exploration délicate de l’univers...
24 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
© Annie Leibovitz
Les yeux dans les yeux, portraits de la collection Pinault
À l’occasion de la cinquième édition d’Exporama, la Collection Pinault fait halte à Rennes avec une exposition magistrale sur le...
À l'instant   •  
Écrit par Costanza Spina
Le  7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
© Omar Victor Diop
Le 7 à 9 de CHANEL, les visages pluriels d’Omar Victor Diop
Troisième invité du cycle "Le 7 à 9 de CHANEL", le photographe sénégalais Omar Victor Diop a offert au public du Jeu de Paume un moment...
30 mai 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Sidewalk Stills © Charles Negre
Sidewalk Stills, les déchets des marchés de Charles Negre
Dans Sidewalk Stills, le photographe français Charles Negre offre un regard sensible sur les déchets qui parsèment les sols des marchés...
29 mai 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas