En 2015, la photographe Ashley Comer, 24 ans, rencontre pour la première fois sa mère biologique. Elles passent plusieurs jours ensemble, au cours desquels Ashley va documenter cette nouvelle relation. Ses images dévoilent une complicité naissante, dont la photographie se fait l’écho et le médium. Meeting Sheila est une série simple et touchante. C’est aussi pour Ashley une manière d’appréhender en images une réalité sur laquelle elle s’exprime avec pudeur. Entretien.
Fisheye Magazine : Qui est Sheila ? Comment l’as-tu rencontrée ?
Ashley Comer
: Sheila est ma mère biologique. Je l’ai rencontrée au printemps 2015. J’avais 22 ans. C’est grâce à mes parents adoptifs que j’ai découvert son identité. J’avais envie de connaître mon histoire biologique, et ils ont retrouvé un document sur lequel figuraient les prénoms de mes géniteurs, ainsi que quelques informations formelles sur eux deux. Ca a attisé ma curiosité, alors j’ai contacté l’agence d’adoption. Ils ont découvert que Sheila vivait en Floride, c’est-à-dire l’état à côté du miens, la Géorgie. Je lui ai écris une lettre, puis je lui ai téléphone et nous avons convenu d’une rencontre, chez elle.
Quelle impression t’a laissé votre première rencontre ?
Sheila est une personne énergique, fun et très attachante. Elle se définit comme une red-neck, elle adore être dehors et elle est passionné par les voitures. Elle travaille sur des chantiers de construction et c’est l’une des rares femmes travaillant sur le terrain.
Quelle est son histoire ?
Sheila a grandi en Allemagne, car son père travaillait dans l’armée. Puis elle est revenue vivre aux États-Unis et s’est installée dans le Massachusetts, où je suis née. Elle a eu un fils avant moi, puis un autre après ma naissance. Sa vie a été dure mais elle conserve un optimisme à toute épreuve. Elle est aussi très spirituelle. Elle a déménagé en Floride sur un coup de tête; malgré les longs trajets pour le travail, elle y vit simplement, elle est heureuse.
Quand as-tu commencé à la photographier ? Et pendant combien de temps ?
J’ai commencé le premier week-end que nous avons passé ensemble. Au départ, c’était très candide. En tout, j’ai passé quatre week-end consécutifs avec Sheila. Nous avons organisé les prises de vue ensemble, au fur et à mesure que nous nous sentions à l’aise toutes les deux.
Pourquoi était-il nécessaire pour toi de la photographier ? D’ailleurs, comment a-t-elle accueilli ta démarche ?
Nous nous sommes rencontrés pendant mon dernier semestre à l’université. Pour achever le cursus, il fallait se consacrer à gros projet de fin d’étude. J’ai décidé que ce serait ma rencontre avec Sheila. Ça a été une très belle manière de créer du lien entre nous. Et aussi de faire face à ce qui arrivait dans ma vie. Elle nous a accueilli, mon appareil et moi, les bras ouverts. Sheila aime la photographie, d’ailleurs elle s’intéresse beaucoup à l’art en général.
Tu apparais aussi à ses côtés sur certaines images…
Oui, et ses images s’articulent dans la série de manière différente que les photos où Sheila pose seule. Ces clichés capturent mon état d’esprit pendant cette période. Ils préservent la mémoire de ces moments.
En tant que photographe, quelle importance revêt cette série dans l’ensemble de ton travail ?
Ce projet n’aurait clairement pas été le même si je ne l’avais pas abordé de cette manière. Étant photographe, je n’ai pas juste penser à moi, mais aussi aux spectateurs qui découvriraient ce travail pour la première fois. J’ai voulu faire ressortir de cette expérience un message visuel et émotionnel universel.
Quelle est ton image favorite de Meeting Sheila ?
Celle où Sheila et moi sommes allongées dehors, dans un rayon de soleil. Je trouve que cette image contient toute l’expérience de notre première rencontre. Je garde aussi un beau souvenir de ce moment particulier, car des amis se sont démenés pour parvenir à préserver cette lumière.
Qu’est-ce que ça fait, de pouvoir se lier ainsi à quelqu’un, grâce à la photographie ?
C’est un privilège !
Images par © Ashley Comer