Cadrages serrés, couleurs saturées, paysages délabrés, corps fragmentés… L’Amour monstre selon Charles-Henry Bédué nous entraîne dans un monde incertain, gorgé de folie et d’énergie. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Commencée sur la côte Ouest des États-Unis, cette série hallucinée traduit « la violence sauvage » ressentie par celui qui se sent « en état de découverte permanente ». Le photographe toulousain né en 1980 et formé à l’école Penninghen, à Paris, a toujours cherché à sortir de sa zone de confort, et l’expérience du voyage – en Chine notamment –, lui a énormément ouvert l’esprit, précise-t-il. Inspiré par le milieu du spectacle après une collaboration avec l’Opéra de Paris en 2017, le photographe est attiré par les artistes de scène, et ses rencontres avec les marginaux croisés à Las Vegas en octobre, puis à Los Angeles durant le confinement, lui ont permis de poursuivre ses images qu’il considère « comme des fragments psychiques ». Avec, en particulier, d’étonnants portraits dont la présence crève l’écran. « C’est le regard qui m’importe le plus dans le visage, pointe l’auteur. J’ai l’impression qu’un regard ne peut pas mentir. »
Visions de rêve et de cauchemar
Dans la galaxie de Charles-Henry Bédué, on trouve le psychiatre Carl Gustav Jung, dont l’œuvre, explique le photographe, a inspiré ses jours et ses nuits et imprègne tout son travail. « Avec notamment sa grande idée que
nos inconscients se rejoindraient dans leur profondeur dans un inconscient collectif, sorte de tronc commun de l’âme de l’humanité ». Il faut aussi compter William Eggleston, qui lui révèle son rapport à la couleur, et Saul Leiter pour la rigueur de ses cadrages. Un autre Américain, le réalisateur David Lynch, a profondément irrigué son regard par ses visions de rêve et de cauchemar. « La couleur me prend aux tripes, elle guide ma vie. Je suis à la recherche de formes et de couleurs avant tout », déclare le photographe qui entend bien poursuivre ce premier volet de L’Amour monstre, « dont le titre illustre parfaitement ce que je ressens aux États-Unis ».
Son besoin de se connecter avec les gens s’est beaucoup développé depuis son passage de l’autre côté de l’Atlantique : « Los Angeles est une ville qui éblouit par sa lumière bien sûr, mais surtout par l’extrême ouverture d’esprit de ses habitants, et le grand sentiment de liberté qui se dégage de ce lieu. De l’enfer au paradis, du cauchemar au rêve, il n’y a qu’un pas, mais je sens partout ici une immense énergie qui circule, destructrice ou créatrice selon la capacité de chacun à la supporter. Elle peut vous élever ou vous écraser. C’est une impression personnelle à la fois capiteuse, stimulante et effrayante », analyse Charles-Henry Bédué. Le second volet de cette série devrait se poursuivre cet automne, en particulier pour l’élection présidentielle, où l’auteur aimerait associer fiction et réalité en mélangeant photos de tournages et images du quotidien des familles californiennes.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #43, en kiosque et disponible ici.
© Charles-Henry Bédué