Électro : les photos en écho

08 août 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Électro : les photos en écho

La Philharmonie de Paris propose une exposition sur l’histoire des musiques électroniques et sur leurs extensions visuelles développées par nombre d’artistes. Comme le photographe Meyer qui vient de publier un très bel ouvrage intitulé Lunacy.
 Cet article, rédigé par Jacques Denis, est à retrouver dans notre dernier numéro.

Démontrer que l’univers de la musique électronique va bien au-delà des sons, tel est l’objectif de l’exposition Électro. De Kraftwerk à Daft Punk, qui se tient à la Philharmonie de Paris jusqu’au 11 août 2019. Cette rétrospective, orchestrée par Jean-Yves Leloup, acteur historique de ce mouvement protéiforme, dresse ainsi le panorama d’un imaginaire foisonnant, dans lequel la photographie a sans doute joué un rôle central en permettant de traduire visuellement cette « révolution » esthétique. Comment mettre le son en image ? Cette question trouve de nombreuses réponses sous la forme de traductions littérales ou à travers des expérimentations plus suggestives. Comme le démontre le plasticien-musicien suisse Christian Marclay qui a fait du collage un art aussi bien visuel que musical, assemblant notamment des vinyles, matière première qu’il coupe et découpe. Mis en valeur sur plusieurs murs de ce parcours, le graphisme des disques rappelle le soin apporté aux images et comment celles-ci, encore sous cellophane, formulent déjà ce qui va se jouer.

© Jacob Khrist

© Jacob Khrist

Saisir les vibrations

Le vinyle, on le retrouve encore dans la série Bedrooms Rockers, un ensemble de clichés datés de 2005 où le photographe Christopher Woodcock rend visite aux DJ et musiciens de l’underground américain. Il témoigne de leur home studio où s’entassent des LP, et au milieu de ces piles, pas un visage, que des faces plus ou moins rares de la musique électronique.

S’attachant à saisir les vibrations à l’autre bout du processus, les clichés de la série Vom Bleiben, réalisés par les artistes André Giesemann et Daniel Schulz entre 2009 et 2013, sont eux aussi remplis de vides en immortalisant les dancefloors des clubs allemands au petit matin, quand la fête est finie. Des pistes abandonnées dont on ressent encore les tremblements, comme de fugaces témoignages d’une mélancolie de l’instantané. « Les plâtres s’effritent. Les lieux de cette musique sont ceux des marges : campagnes londoniennes, usines désaffectées, châteaux à demi hantés, caves à demi englouties. Le but n’est pas de s’approprier les anciens temples de la modernité, mais de les exorciser, peut-être de les réenchanter », avait analysé Sylvain Desmille, dans le texte Dionysos à Mozinor, publié en 1994 par la revue Digraphe, et repris dans l’exposition. Car il serait illusoire de croire que ces bandes-son pétries de beats et de boucles sont synonymes d’anonymat des territoires et auditoires.

C’est même tout l’inverse. Réalisée à partir de 2015, la série Maybe I’ll See You There du photographe Jarod Lew remet en perspective les hommes et les femmes de l’urbanité désenchantée de Detroit – espace mythique de la création techno. Plus largement, la « technosphère » est un univers où se retrouve une foule dont la diversité renvoie à la multiplicité des incarnations esthétiques recouvertes par le mot-valise « électro » : techno, house, drum’n’bass, ambient… Les chapelles sont nombreuses, parfois poreuses, pas forcément, tout comme le public qui va danser en clubs ne ressemble pas tout à fait à celui qui part en transe dans les rave-parties. L’exposition et son catalogue se font l’écho de cette pluralité qui rime avec communautés : le Portrait of a Generation : the Love Parade Family d’Alfred Steffen prend pour prétexte l’édition 1996 de la Love Parade berlinoise afin de raconter cette diversité, tout comme le photographe Bill Bernstein documente les dancefloors de l’ère du disco new-yorkais, fin 1970.

 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #37, en kiosque et disponible ici.

© Jeaneen Lund© Jean Ranobrac

© à g. Jeaneen Lund, à d. Jean Ranobrac

© Meyer© Meyer

© Meyer

Explorez
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
© Carline Bourdelas / Planches Contact Festival
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
Jusqu’au 4 janvier 2026, la 16e édition de Planches Contact Festival anime Deauville et propose une diversité de regards sur un même...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
© Elise Jaunet
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
À travers sa série Faire corps – Journal d’une métamorphose, l’artiste nantaise Elise Jaunet explore la traversée du cancer du...
01 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Du pictorialisme au modernisme, la MEP célèbre l’œuvre d’Edward Weston
Edward Weston, Shells, 1927 © Center for Creative Photography, Arizona Board of Regents / Edward Weston, Adagp, Paris, 2025. Courtesy Wilson Centre for Photography
Du pictorialisme au modernisme, la MEP célèbre l’œuvre d’Edward Weston
Jusqu’au 21 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie consacre une exposition exceptionnelle à Edward Weston. Intitulée...
30 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
© Carline Bourdelas / Planches Contact Festival
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
Jusqu’au 4 janvier 2026, la 16e édition de Planches Contact Festival anime Deauville et propose une diversité de regards sur un même...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Laura Lafon Cadilhac : s'indigner sur les cendres de l'été
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon Cadilhac
Laura Lafon Cadilhac : s’indigner sur les cendres de l’été
Publié chez Saetta Books, Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor de Laura Lafon Cadilhac révèle un été interminable. L’ouvrage se veut...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Trenza, le lien qui nous unit, 2025 ©Gabriela Larrea Almeida
Écofemmes Fest : un rendez-vous pour créer, lutter, transmettre
Jusqu'au 9 novembre prochain, La Caserne, dans le 10e arrondissement de Paris, accueille la première édition d’Écofemmes Fest, un...
07 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
© Simon Vansteenwinckel
Simon Vansteenwinckel remporte le prix Nadar Gens d’images 2025
Le nom du lauréat de la 71e édition du prix Nadar Gens d’images vient d’être annoncé : il s’agit de Simon Vansteenwinckel. Le jury l’a...
06 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet