Faut-il faire une école photo ?

13 mai 2021   •  
Écrit par Eric Karsenty
Faut-il faire une école photo ?

Devenir photographe recouvre une grande diversité de situations. De la photographie appliquée à la photographie d’auteur, de la publicité à la mode en passant par le photoreportage, le monde de l’art ou l’édition, il y a toute une galaxie de métiers pour travailler dans ce monde. Est-il nécessaire de passer par une école pour arriver à ses fins ? Quelles sont les autres voies possibles ? Les stages ? La formation professionnelle ? L’apprentissage ? L’assistanat ? Les réseaux sociaux ? Enquête. Cet article, issu du dossier, est à retrouver dans notre dernier numéro.

Fisheye a interrogé plus d’une vingtaine d’acteurs du monde de la photo pour savoir quel était, selon eux, l’intérêt de suivre un cursus scolaire. Photographes autodidactes ou ayant suivi une formation, enseignants, responsables de festival, éditeurs, directeurs de galerie… Chacun a livré son expérience et son point de vue. Il ressort de ces entretiens plusieurs pistes qui permettront à celles et ceux qui s’interrogent sur la suite de leur parcours de trouver des éléments de réponses.

« J’ai commencé la photo au lycée et j’ai eu la chance de discuter avec Sebastião Salgado, rapporte Samuel Bollendorff, photographe formé à l’ENS Louis-Lumière, où il enseigne aujourd’hui. Je lui ai dit que j’aimais la photo et le voyage, et que je voulais être photographe. Il m’a répondu que si j’aimais les voyages, il y avait plein d’autres métiers : guide, pilote, interprète… Mais si tu aimes la photo, tu peux en faire en bas de chez toi. C’est quelque chose que je n’ai jamais oublié. » Dans tous les cas il faut se poser la question de pourquoi on veut faire de la photographie, martèle Samuel Bollendorff : « À quoi ça sert et qu’est-ce qu’on veut dire ? Moi, c’est la chose principale que j’enseigne à mes étudiants aujourd’hui. » Cette question de l’engagement est aussi une grille de lecture que Fred Boucher – diplômé de l’ENSP d’Arles, enseignant et créateur du festival les Photaumnales – applique aux travaux qu’on lui propose : « Aujourd’hui, quand je regarde des dossiers, je cherche les photographes qui se posent des questions et essaient de faire avancer les choses, même si c’est infime. »

© Julien Mignot© Julien Mignot

à g. Victor Polster, comédien et Lukas Dhont, réalisateur pour le film Girl ; à d. Damien Bonnard, Festival de Cannes © Julien Mignot

Être curieux

La curiosité est certainement la qualité la plus souvent mise en avant par nos interlocuteurs. Celles et ceux qui sont passés par des écoles, qui y enseignent, ou qui ont suivi d’autres voies. « Regarder les autres artistes, lire, aller dans les expos, au concert, au cinéma, au théâtre… Je crois plus à la curiosité pour les arts, donc à la culture, qu’à la formation. L’idéal c’est de faire les deux », explique Yan Di Meglio, directeur de la galerie Intervalle, à Paris. Ce que formule, sous une autre forme, Julien Mignot, un de ses auteurs autodidactes qui a commencé son parcours en explorant le monde de la presse et celui de la musique. « On côtoie déjà des artistes en ouvrant des livres ou en écoutant un vinyle. Il faut être curieux et rester en phase avec ses désirs. Il est nécessaire de se mettre en danger et d’éprouver notre rapport aux univers qu’on ne maîtrise pas, ce sera toujours enrichissant pour plus tard », précise-t-il. « Être curieux et ne pas avoir d’a priori, complètent Fabrice Laroche et Jérôme Jehel, responsables pédagogiques aux Gobelins, l’école de l’image. Une école fait gagner du temps et permet d’aborder le travail d’équipe, ce qui est très riche, mais elle ne doit jamais être un but en soi. » C’est également ce que développe Raphaëlle Stopin, directrice du Centre photographique Rouen Normandie : « Dès qu’on le peut, aller au musée et aller au musée et aller au musée, regarder Le Caravage et Giacometti autant que Wolfgang Tillmans ou Lynne Cohen, s’arrêter à la renaissance flamande, goûter tout ce qui n’est pas familier, regarder des films, aller en libraire et ouvrir des livres sans savoir ce que l’on y trouvera, lever le nez dans la rue. » Ce que formule, d’une autre manière, Valérie Cazin, directrice de la galerie Binome, à Paris : « J’insiste toujours sur la nécessaire connaissance et infiltration de l’écosystème du monde de l’art dans toutes ses composantes : artistes, collectifs, critiques, journalistes, commissaires, universitaires, institutionnels, galeristes, collectionneurs. » Les formations au sein des écoles sont bien sûr assez différentes en fonction de leur positionnement et de leur histoire. De plus en plus, on rencontre des auteurs associant plusieurs cursus – photographie et sciences sociales – afin d’étendre leurs compétences.

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #47, en kiosque et disponible ici

© Alice Brygo

Capture d’écran tirée du film Îles périphériques © Alice Brygo

© Siouzie Albiach

On the edge © Siouzie Albiach

Image d’ouverture : capture d’écran tirée du film Îles périphériques © Alice Brygo

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