Humeurs belges

06 avril 2023   •  
Écrit par Eric Karsenty
Humeurs belges

Photographe belge au regard profondément bienveillant, Jacques Sonck se plaît à représenter avec authenticité toute la « diversité de l’humanité ». Dans ses portraits en noir et blanc se lisent les visages de celles et ceux qu’on côtoie, de près ou de loin. Cet article est à retrouver dans le Fisheye #58

Les portraits de Jacques Sonck ont quelque chose de fantastique, d’extraordinaire et d’infiniment commun. Ils nous montrent de drôles de têtes, avec humour et mélancolie. Au fil de ses pérégrinations dans les rues de Bruxelles, de Gand ou d’Anvers, il compose au fil du temps une fresque de la comédie humaine dans sa version belge. « Le premier photographe qui m’a profondément marqué était August Sander, déclare l’auteur né en 1949. J’ai ressenti une connexion immédiate avec son travail. » On retrouve chez le photographe belge cette volonté de saisir des formes de typologies tout en étant profondément sensible aux singularités des personnages qu’il rencontre. « Parfois c’est la singularité, parfois c’est l’humour ou l’archétype, mais toujours la personne doit se démarquer de la foule. Mais pas nécessairement de manière spectaculaire. Les petits détails font souvent la plus grande différence. » La marge s’invite au centre de ses images, jamais moqueuses, même si l’on y perçoit souvent, paradoxalement, une forme d’ironie bienveillante. On rencontre dans sa galerie fantasque des personnages échappés des images de Diane Arbus, d’Irving Penn ou de Richard Avedon… Certaines femmes nous rappellent les héroïnes de Federico Fellini, de Jacques Tati ou de Ken Loach. Leur exubérance déborde du cadre, mais tous et toutes restent profondément humains. Chaque génération s’invite dans cette ronde excentrique : les enfants comme les ados, qu’ils soient petits ou grands, minces ou enveloppés, les loubards, les punks, les amoureux, les personnes âgées, les femmes nues, ou voilées, les solitaires ou les paumés du petit matin – comme les chantait Jacques Brel. Mais toujours, au-delà des artifices, des manteaux léopard, des fourrures, des masques, des faux cils, des chapeaux, des bijoux, des costumes ridicules et des accoutrements cocasses, le regard amusé de Jacques Sonck demeure indulgent. Une poésie empreinte de nostalgie colore avec délicatesse sa galerie en noir et blanc.

Si sa première photo publiée en 1975 représentait « une petite fille sur un vélo de course, sur une route pavée. Une scène typiquement belge, plutôt flamande », Jacques Sonck a depuis déployé sa série au gré de ses rencontres. « Au fil du temps on crée son propre style, et après des années on s’aperçoit qu’une série cohérente s’est formée », précise l’auteur qui reste concentré sur le portrait, « car je pense que les gens sont le sujet le plus fascinant », poursuit-il. Son protocole reste toujours aussi simple : il croise ses personnages dans la rue et leur demande s’ils sont d’accord pour être photographiés. Il les portraiture directement en extérieur, avec un « fond simple », ou dans son studio. Sur ses images, pas de noms, juste un lieu et une date. « J’espère que les spectateurs comprennent mes photos, qu’ils comprennent pourquoi j’ai voulu prendre cette photo. Mais j’ai toute confiance en cela, car mes photos sont claires, pas difficiles à lire », ajoute-t-il. Et en effet, devant ses portraits accrochés sur les cimaises de la galerie Fifty One lors de la dernière édition de Paris Photo, on ne pouvait que s’incliner devant cette « célébration de la diversité de l’humanité », pour reprendre les termes de l’auteur.

Le travail de Jacques Sonck fera l’objet d’une grande rétrospective lors du prochain festival Portait(s), à Vichy, au printemps 2023.

© Jacques Sonck© Jacques Sonck
© Jacques Sonck© Jacques Sonck
© Jacques Sonck© Jacques Sonck
© Jacques Sonck© Jacques Sonck

© Jacques Sonck / Gallery FIFTY ONE

Explorez
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Sandra Calligaro : à Visa pour l'image, les Afghanes sortent de l'ombre
Fahima (17 ans) révise dans le salon familial. Elle suit un cursus accessible en ligne sur son smartphone. Kaboul, Afghanistan, 24 janvier 2025. © Sandra Calligaro / item Lauréate 2024 du Prix Françoise Demulder
Sandra Calligaro : à Visa pour l’image, les Afghanes sortent de l’ombre
Pour la 37e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan qui se tient jusqu’au 14 septembre 2025, la photojournaliste Sandra...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
Diverses espèces de requins, dont certaines sont menacées d'extinction, tandis que d'autres sont classées comme vulnérables, ont été ramenées à terre à l'aube par des pêcheurs commerciaux au port de Tanjung Luar, le lundi 9 juin 2025, à Lombok Est, en Indonésie. Tanjung Luar est l'un des plus grands marchés de requins en Indonésie et en Asie du Sud-Est, d'où les ailerons de requins sont exportés vers d'autres marchés asiatiques, principalement Hong Kong et la Chine, où les os sont utilisés dans des produits cosmétiques également vendus en Chine. La viande et la peau de requin sont consommées localement comme une importante source de protéines. Ces dernières années, face aux vives critiques suscitées par l'industrie non réglementée de la pêche au requin, le gouvernement indonésien a cherché à mettre en place des contrôles plus stricts sur la chasse commerciale des requins afin de trouver un équilibre entre les besoins des pêcheurs et la nécessité de protéger les populations de requins en déclin © Nicole Tung pour la Fondation Carmignac.
Nicole Tung, ultime lauréate du Prix Carmignac !
La lauréate de la 15e édition du Prix Carmignac vient d’être révélée : il s’agit de la photojournaliste Nicole Tung. Pendant neuf mois...
04 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Sandra Calligaro : à Visa pour l'image, les Afghanes sortent de l'ombre
Fahima (17 ans) révise dans le salon familial. Elle suit un cursus accessible en ligne sur son smartphone. Kaboul, Afghanistan, 24 janvier 2025. © Sandra Calligaro / item Lauréate 2024 du Prix Françoise Demulder
Sandra Calligaro : à Visa pour l’image, les Afghanes sortent de l’ombre
Pour la 37e édition du festival Visa pour l’Image à Perpignan qui se tient jusqu’au 14 septembre 2025, la photojournaliste Sandra...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d'images
© Jenny Bewer
Fisheye #73 : vivre d'Amour et d’images
Dans son numéro #73, Fisheye sonde les représentations photographiques de l’amour à l’heure de la marchandisation de l’intime. À...
05 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger