La guerre n’est-elle qu’un jeu ?

25 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
La guerre n’est-elle qu’un jeu ?

Dans I Died 22 Times, le photographe allemand Rafael Heygster tente, en brouillant les frontières entre réel et mise en scène, de comprendre notre fascination pour la guerre et la violence. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

Uniformes flamboyants, explosions spectaculaires, grenades dernier cri… Il est difficile de différencier, dans les images de Rafael Heygster, le réel de la mise en scène. Né en 1990, le photographe et journaliste allemand s’intéresse, dans ses projets personnels, « aux relations entre les individus et leur environnement social, culturel – toujours de manière humaniste ». Guidé par une volonté de « représenter le monde extérieur en partant d’une réalité locale et situationnelle », il joue avec l’absurde et le surréalisme pour provoquer émotions et interrogations.

« I Died 22 Times questionne la représentation de la guerre dans notre société. Elle qui se manifeste non seulement au cœur des conflits militaires mais aussi, de manière plus abstraite, dans notre quotidien », explique l’auteur. Troublante, la série joue avec notre perception et brouille les délimitations entre batailles véritables et simulacres. Un travail inspiré par une contradiction : « Il y a plusieurs années, je me suis rendu dans l’ancien camp de concentration d’Auschwitz. J’y ai rencontré Len, un visiteur qui souhaitait en apprendre davantage sur sa famille. Sur place, des documents d’archives lui ont appris que sa grand-mère avait été tuée par les nazis dans cet endroit. Depuis, j’ai continué à suivre Len sur les réseaux sociaux. J’ai appris plus tard, en voyant une photo de lui en uniforme militaire, qu’il adorait jouer à l’airsoft. Il y avait pour moi une discordance entre son histoire familiale et sa volonté de jouer à la guerre. Voulant comprendre, je l’ai accompagné à l’un de ces événements. Ainsi est né mon projet », raconte-t-il.

© Rafael Heygster

Notre fascination pour la violence

C’est cette absence de logique que Rafael Heygster tente d’expliciter. Véritable essai visuel, I Died 22 Times donne du sens à notre désir de paix et à notre obsession du combat. « D’où vient cette fascination ? Comment les civils peuvent-ils accepter que leur nation envahisse un autre pays ? Peut-on diviser le monde entre “gentils” et “méchants”? Les héros des blockbusters et jeux vidéo sont souvent des guerriers intrépides, capables de gagner des batailles. Quelles sont les conséquences d’une telle représentation ? Les notions de pouvoir et de domination ne sont-elles pas attrayantes ? Le besoin de détruire est-il inhérent à l’être humain ? », s’interroge-t-il. Sans chercher à apporter de réponses à ces dilemmes philosophiques, l’auteur tente, grâce à l’image, de capturer notre fascination pour la violence tout en révélant les incohérences d’un tel penchant.
Pour le photographe, si les références à la guerre font florès – dans les films et les jeux, mais aussi dans le tourisme, le sport ou le marché économique –, notre société est désensibilisée à ses horreurs. Car les représentations culturelles des conflits sont purgées de toute terreur. Les combats deviennent amusants, divertissants, mis en scène pour charmer les hommes et tromper leur vigilance en dissimulant l’insoutenable. « J’ai notamment remarqué que les machines de guerre dans les foires d’armes suivent ce même principe. Leur dimension ludique est mise en avant, les souffrances et la mort sont quant à elles effacées : la guerre peut ainsi être consommée », précise le photographe.

 

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #46, en kiosque et disponible ici

© Rafael Heygster

© Rafael Heygster© Rafael Heygster

© Rafael Heygster© Rafael Heygster

© Rafael Heygster© Rafael Heygster

© Rafael Heygster

© Rafael Heygster© Rafael Heygster

© Rafael Heygster

© Rafael Heygster

Explorez
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction...
12 juillet 2025   •  
Camille Lévêque décortique la figure du père
© Camille Lévêque. Glitch, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste
Camille Lévêque décortique la figure du père
Dans À la recherche du père, Camille Lévêque rend compte de questionnements qui l’ont traversée pendant de longues années....
10 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Militaires russes en visite sur le site de Chersonèse, Ukraine, 2005 © Julien Daniel / MYOP
Pour ses vingt ans, MYOP rend hommage au passé pour mieux se tourner vers l’avenir
Cette année, MYOP fête ses vingt ans. À cette occasion et dans le cadre des Rencontres d’Arles, les photographes de l’agence...
09 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
The Last Cosmology © Kikuji Kawada
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
C’est l’heure du récap ! À l’occasion des Rencontres d’Arles, nous avons sélectionné une série d’expositions, aux sujets et...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction...
12 juillet 2025   •  
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet