Pour le 170e anniversaire de son célèbre flacon d’eau de Cologne dédié à l’impératrice Eugénie, la maison Guerlain a demandé à onze femmes photographes de revisiter ce précieux objet. Ce flacon iconique paré des abeilles de l’Empire a gardé tout son parfum de mystère. Les images créées à cette occasion sont à retrouver dans une exposition à butiner sans modération ! Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
La maison Guerlain entretient avec la photographie des relations privilégiées qui ont donné lieu à de très belles créations menées depuis longtemps par des artistes comme Lee Miller ou Robert Doisneau, et plus près de nous Liu Bolin ou Vik Muniz, ainsi que par de jeunes créatrices comme Charlotte Abramow, qui présentait l’an dernier Piquées, une exposition originale autour des abeilles, emblème de la marque (voir Fisheye 53). Aujourd’hui le parfumeur a décidé de revisiter son histoire en demandant à onze autrices internationales et appartenant à plusieurs générations de photographier un flacon iconique créé en 1853 à l’initiative de Pierre-François-Pascal Guerlain. Le fondateur de la marque avait alors dédié à l’impératrice Eugénie une « Eau de Cologne impériale » à l’occasion de son mariage avec l’empereur Napoléon III. Et pour habiller ce précieux parfum, le flacon a été confié aux verreries Pochet du Courval qui en firent un véritable bijou.
© à g. Delfina Carmona, à d. © Christine Spengler
Promesse de luxe et de rêve
« Le Flacon aux Abeilles se présente comme une promesse de luxe et de rêve, mais représente surtout la permanence de ce rêve, au travers de la tradition. Les abeilles sont symbole de vie éternelle », analyse Valérie Belin, l’une des onze artistes ayant reçu une carte blanche pour ce projet original pensé par Ann Caroline Prazan, directrice du département art, culture et patrimoine de Guerlain, et dont le commissariat est assuré par Jean-Luc Monterosso, fondateur de la MEP, et Benoît Baume, directeur de Fisheye. Ces onze cartes blanches constituent autant de dialogues qui nous relient à l’histoire. « Chacune de ces œuvres poétiques est unique, analyse Ann Caroline Prazan. Elles font sens avec les fondements de notre maison, elles évoquent la transmission, la nature, l’héritage. C’est émouvant de voir comment chaque nouvelle génération d’artistes s’empare de nos créations ! » À noter que cette initiative s’inscrit dans le programme Women for Art qui vise à renforcer le soutien de la maison Guerlain aux artistes femmes.
Chaque autrice sollicitée a imaginé une approche singulière pour délivrer une image forte qui nous interroge. S’impliquant toujours corps et âme, ORLAN – qui s’est déjà intéressée au parfum en créant ses propres fragrances – s’est concentrée sur l’impératrice et a décidé de s’hybrider avec elle. « Ce geste me permet de faire coexister deux temps, deux univers visuels, deux femmes », détaille l’artiste. Eugénie a aussi orienté l’image de Myriam Roehri qui nous confie : « Je l’ai laissé imprégner mes pensées, mes rêveries… Ce compagnonnage intérieur m’a emmené vers l’Espagne et ce merveilleux jardin qui surplombe la Méditerranée. » Et Christine Spengler a elle aussi été sensible à l’impératrice et à ce flacon qui « symbolise l’amour que porta l’empereur Napoléon III à son épouse Eugénie de Montijo, et aussi celui de tous les hommes qui l’offrent aujourd’hui à leurs amantes ». Sa photographie « ensorcelante et onirique », qu’elle intitule L’Amour fou, un clin d’œil à André Breton, nous oriente immanquablement vers le surréalisme. Ce mouvement artistique qui s’inspire du monde des rêves traverse également les créations d’autres photographes embarquées dans l’aventure imaginée par la maison Guerlain.
Chère Eugénie, jusqu’au 16 juillet 2023 à la Maison Guerlain – 68 avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris
Retrouvez cet article en intégralité dans Fisheye #58 !
© Jane Evelyn Atwood
© Charlotte Rampling
Image d’ouverture : © Delfina Carmona