Clara Abi Nader et Florian Perennes, nos coups de cœur #337, perçoivent tous deux la photographie comme un outil introspectif. Un instrument permettant d’interroger des faits sociétaux, comme de mettre en image son monde intérieur.
Clara Abi Nader
Son diplôme de l’Académie libanaise des Beaux-Arts en poche, Clara Abi Nader s’est envolée pour Paris, où elle développe aujourd’hui sa pratique photographique. Une démarche qui prend racine dans l’introspection. « Elle provient toujours de mes expériences personnelles. J’ai besoin de me retrouver dans un sujet pour me sentir légitime d’en parler », précise-t-elle. Paysage, architecture, essai social, portrait… L’artiste multiplie les influences pour raconter des histoires intimes et partager, avec autrui, son univers. « Il est important de partir du personnel pour finir, d’une certaine manière, dans l’universel. L’art, c’est fait pour nous rapprocher les uns des autres », poursuit-elle. C’est dans la capitale française que Clara Abi Nader débute On Hair (& Women), un projet féministe inspiré par la coiffure. « Au fil des années, j’ai compris combien la nature, la texture du cheveu peut en dire long sur une personne – sur ses origines, sa culture, sa religion… Tout comme la couleur de peau », confie l’autrice. Dans la rue, elle saisit, sur le vif, les coiffes anonymes des passantes, composant, en contrepoint, un récit engagé. « Un jour, j’ai croisé une connaissance au Liban, qui souffre d’alopécie, à seulement 17 ans : une maladie qui lui fait perdre tous ses cheveux. À cet âge, dans une société comme la nôtre, où l’image de la femme est omniprésente et vendue à la perfection, c’est traumatisant », raconte-t-elle. Récoltant divers témoignages, la photographe transforme alors son projet en un conte sociétal, interrogeant les notions de genre, de binarité, ou encore de beauté. « Mes modèles ont toutes été très réceptives : c’est une libération, une assertion, une affirmation de ce qu’elles veulent être, montrer, et dénoncer », affirme-t-elle enfin.
© Clara Abi Nader
Florian Pérennès
« Je m’appelle Florian, mais on m’appelle flou en général. C’est parti d’un fourchage de langue, et c’est resté… Cela me convient bien – je suis quelqu’un de flou, qui vit ici et là, dans ses pensées, dans son monde. J’existe dans une sorte de mélancolie heureuse »,
confie Florian Pérennès. Après des études scientifiques, le photographe a rejoint l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes. En parallèle, il exerce son œil à travers le 8e art. « Je dirais que je photographie les manifestations de mon propre monde dans la réalité. Peu importe le sujet, ou la thématique, je recherche une ambiance avant tout. J’essaie de provoquer les choses le moins possible, de les laisser venir à moi », explique-t-il. Influencé par le cinéma, l’auteur perçoit le médium comme un outil pour exprimer ses propres états d’âme, ses propres représentations de l’univers. « Décrire mes photos, c’est me décrire, à mi-chemin entre rêve et réalité, douceur et drame, relations intenses et solitude, sérénité et anxiété », confie-t-il. Privilégiant l’argentique – dont le procédé de développement lui évoque une certaine magie – Florian Pérennès compose des tableaux énigmatiques. Du paysage au portrait, des grands espaces à l’intérieur d’une chambre, il capte des fragments d’émotions aussi personnels qu’universels.
© Florian Pérennès
Image d’ouverture : © Florian Pérennès