Mettre en image des impulsions de vie ou simplement l’aura d’un corps et d’un portrait : voici ce qu’Ilkin Efendiyev et Arthur Sailor, nos coups de cœur #419, entendent concrétiser. L’un joue de la disposition et du mouvement des couleurs. Quand l’autre pousse à bout sa réalité.
Ilkin Efendiyev
« Je suis un nihiliste qui accepte que l’homme soit une créature misérable coincée dans une prison intérieure, espérant toucher l’infini uniquement par l’art »,
déclare Ilkin Efendiyev. Originaire d’Azerbaïdjan, il se tourne vers le médium alors qu’il étudie aux Beaux-Arts. En parallèle, les lectures multiples de l’ouvrage Ways of Seeing de John Berger — un traité sur la manière dont nous percevons les images et notamment les peintures et les œuvres d’art du passé – ne font qu’accroître son appétence pour la photographie. Progressivement, le 8e art devient un moyen d’exprimer concrètement ses impulsions, mises quelque part à l’abri dans son inconscient. Profondément inspiré par Kandinsky, tant d’un point de vue symbolique que visuel, il anticipe, à la manière d’une esquisse, les moindres dynamiques et textures de ses futurs portraits. Parfois, il inverse ce processus et réutilise ses images comme de nouvelles toiles à peindre. « J’adore colorier avec les sensations que me donne la présence des personnes dans mes photographies. C’est pourtant simple, mais cela me semble miraculeux », ajoute-t-il. Si la grisaille assombrit parfois les paysages des peintures impressionnistes, dans les images d’Ilkin Efendiyev, c’est la chaleur des nuances ocre ou bleutées qui prédomine et éclaircit les visages. Déterminé à « surmonter la réalité physique de l’image », Ilkin Efendiyev distille avec finesse du mouvement dans l’abstraction.
© Ilkin Efendiyev
Arthur Sailor
C’est aux côtés de son père, lors d’une après-midi muséale, qu’Arthur Sailor s’est pris d’amour pour le 8e art « sans trop savoir comment ni pourquoi ». La première fois, ce ne fut pas tant ce qu’il avait photographié qui l’épata, mais la manière dont il avait regardé depuis l’objectif les détails qui l’environnaient. « J’essaye de décrire avec la photographie les choses que j’imagine, que je ressens. Qu’il s’agisse de parler de mon expérience ou de celle des autres, je tente d’être le plus sincère possible et sans concessions. Je pense que c’est dans l’intimité, dans ce que l’on dissimule profondément que se cache une partie de notre vérité, que l’on croit à tort insaisissable », explique-t-il. Grâce au médium, Arthur Sailor aspire à conserver un lien tangible au réel, mais aussi, et surtout à l’indicible – ou à ce que l’on s’évertue à ne pas comprendre. Une jeunesse pleine de rages incontrôlées, des contre-cultures, des angoisses ravalées, l’ombre et l’horreur… Ce sont autant de sujets qu’il revisite, décrypte, et ce souvent à travers du nu cru ou trituré. Car, c’est en passant par la matière qu’il conçoit le reste avec plus de limpidité. « Adolescent, on est complètement perdu, désorienté. On se cherche, on se perd, on se retrouve. On découvre le monde et les gens qui le composent. On visite l’étendue des choses que l’on ignore. On se heurte à la volonté et à la violence des autres, tout en dissimulant la sienne. Et bien souvent, on découvre dans ce contexte, la nuit, le sexe et la drogue », affirme-t-il. Faisant cohabiter des interrogations existentielles dans un environnement délétère, l’univers d’Arthur Sailor concède néanmoins à la jeunesse une once de lumière.
© Arthur Sailor
Image d’ouverture © Ilkin Efenviyev