Nos coups de cœur #420, Lorie Balandreau et Evantias Chaudat font rimer narration et technique. L’une creuse dans le grain des images pour en extraire le mystère, et l’autre joue de la matérialité de l’argentique pour unir les écosystèmes.
Lorie Balandreau
Née en 2001, Lorie Balandreau se souvient avoir pris sa première photographie alors qu’elle n’avait que trois ans. Une image floue réalisée avec le boîtier de sa grand-mère. Depuis, elle développe une démarche obsessive, nourrie par sa curiosité, sa soif de recherche et ses questionnements intérieurs. « Je décrirais mon interprétation comme poétique et agitée. L’art en général est une façon de parler de soi, de s’exprimer, de se découvrir et se montrer sans avoir l’air trop égocentrique. Ce qui m’intéresse dans ce médium, c’est sa bidimension. Le grain et la coupure par le cadre qui lui sont spécifiques », raconte-t-elle. Dans la série Voir Vouloir, l’autrice cherche à créer des narrations qui lui sont propres, à démanteler le monde de manière singulière. Observant uniquement le monde depuis son capteur, elle saisit des images de fenêtres éclairées réalisées de nuit, dont elle prélève ensuite des fragments. Entre voyeurisme et abstraction, ces sources de lumière révèlent des silhouettes anonymes comme des nuanciers colorés. Un ensemble énigmatique jouant avec nos émotions et attisant notre imaginaire. « Le processus de postproduction est aussi important que la photographie initiale, poursuit-elle. Il creuse dans l’image, jusqu’aux pixels. Il est le dernier espoir de voir plus. Les images nocturnes deviennent ainsi très bruyantes, ce qui pose un filtre, comme une frontière entre le regard et le sujet. » Une frontière qu’il nous est libre d’abolir, en complétant à notre guise les lacunes visuelles qui s’offrent à nous…
© Lorie Balandreau
Evantias Chaudat
« La notion de vivant est au centre de mon travail. Plus particulièrement les liens qui unissent vivant et non-vivant. Animal, minéral, eau, humain, lumière, végétal s’entremêlent pour en dévoiler les résonances intimes de l’infiniment petit à l’infiniment grand »,
déclare Evantias Chaudat. Diplômée de la Haute École des Arts du Rhin, la photographe et vidéaste développe, à l’argentique, une œuvre appliquée, croisant les différentes espèces qui habitent notre Terre. « J’aime l’acuité de cette technique, le fait d’avoir un nombre de prises limité, de ne pas voir immédiatement l’image implique un rapport au temps et un engagement particuliers. On doit faire face à des choix conscients et radicaux », poursuit-elle. En juin 2022, l’artiste séjourne trois semaines en Namibie – un pays sec, peu peuplé qui la fascine. Car si les humains semblent avoir déserté le territoire, sa biodiversité, elle, demeure extrêmement riche. « Le terme namib signifie “zone où il n’y a rien”, dans la langue des Khoïkhoïs, l’un des tous premiers peuples d’Afrique australe. Mais sur place on ne peut qu’être frappé·e par le fait que le pays est au contraire pleinement habité, loin de ce néant qui lui donne son nom », précise Evantias Chaudat. Pensée comme un dialogue, une danse entre les éléments ponctuant cette terre, Namib entend rendre hommage à cette discrète diversité. Comme une célébration des résonances qui rallient les êtres. Une osmose bienfaitrice dont on ne peut que se délecter.
© Evantias Chaudat
Image d’ouverture : © Lorie Balandreau