« Public Intimacy » : les romances éphémères du monde de la nuit

25 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Public Intimacy » : les romances éphémères du monde de la nuit

Fasciné par les boîtes de nuit, Karel Chladek capture les rencontres éphémères sur les pistes de danse. Il signe, avec Public Intimacy, un ouvrage sensuel, rappelant, avec nostalgie, l’euphorie de la fête.

Depuis plus d’un an, le monde de la nuit est en suspens. Sa folie, son désir d’abandon, ses rencontres éphémères oubliés, face au poids de la pandémie. Que reste-t-il, de ces évasions nocturnes, lorsque la musique gronde et emporte les danseurs sur la piste ? De ces heures festives, où les néons n’illuminent qu’une partie des visages, des corps, et transforment le réel en un décor de cinéma ? Cet univers tamisé, Karel Chladek, photographe montréalais de 29 ans, le connaît bien. Passionné de musique électronique, il a pris l’habitude d’écumer les dancefloors, à la recherche de récits – aussi brefs qu’intenses. « Mon approche est intuitive, imaginative. Je me vois un peu comme un spectateur qui observe des histoires se construire. Je me laisse guider par les couleurs, les impulsions, les apparats et tout autres détails qui font d’un moment celui que j’aimerais regarder », explique-t-il.

Au fil des années, l’auteur a appris à utiliser son boîtier « pour l’adapter aux défis qu’occasionne la photographie nocturne ». En plein cœur de la foule, immergé dans les mouvements des corps, il capture, avec patience, ce qui l’intrigue : « des romances éphémères vécues par des sujets anonymes ». Sans jamais sombrer dans le vulgaire, Karel Chladek s’applique à saisir la passion, la tendresse entre deux sujets, « en laissant toujours libre interprétation au public quant au récit que dégage le cliché », précise-t-il.

© Karel Chladek© Karel Chladek

L’euphorie du moment

« Sans même m’en rendre compte, le thème de l’intimité a fini par se révéler comme une évidence dans mon travail. Je perçois une soirée en boîte de nuit comme le déroulement d’un film qui se compose, et dont je retiens les scènes les plus mémorables »

, confie le photographe. Et, à la manière d’un metteur en scène un peu fou, Karel Chladek laisse à ses sujets le soin d’improviser : « Ils ne sont généralement pas au courant que je les photographie. Afin de ne pas interférer dans leur espace, je me dois d’être rapide, et surtout d’agir au bon moment. Ils sont souvent pris dans leur propre monde, j’aime dire qu’il règne une sorte de collaboration intuitive entre les gens que je capture et moi-même », ajoute-t-il.

Inspiré par le peintre américain Mark Tennant, convaincu que « l’art est la vie », et par la filmographie de Gaspard Noé, connu pour ses scénarios sulfureux et ses prises de vue hallucinatoires, Karel Chladek donne au monde de la nuit une prestance théâtrale. Face à son objectif, les rapprochements fugaces provoqués par l’euphorie du moment deviennent splendides, touchants. Dans un clair-obscur plaisant, les couples d’un soir se changent en porteurs de fantasmes d’un imaginaire commun. « Il s’agit majoritairement d’une documentation de la jeunesse, de l’impulsion, de l’amour, qu’il soit sincère ou éphémère », ajoute l’auteur. Imprimés dans un livre au titre évocateur – Public Intimacy – les clichés s’imposent comme des témoignages – de la beauté de l’abandon, et d’un autre temps, où danser avec un ou une inconnu·e pouvait être vu comme une simple libération.

 

Public Intimacy, Éditions Thought Catalog, 39,99$, 88 p.

© Karel Chladek© Karel Chladek

 

© Karel Chladek© Karel Chladek

 

© Karel Chladek

 

© Karel Chladek© Karel Chladek

 

© Karel Chladek© Karel Chladek

 

© Karel Chladek

© Karel Chladek

Explorez
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
© Nick Prideaux
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les thématiques...
14 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans les songes dionysiaques de Hui Choi
© Hui Choi. The Swan's Journey.
Dans les songes dionysiaques de Hui Choi
Le photographe chinois Hui Choi traduit les contradictions des émotions humaines en images empreintes de lyrisme. S’inspirant de la...
14 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
13 séries photo qui offrent une vision moins idyllique de l’amour
© Nolwen Michel
13 séries photo qui offrent une vision moins idyllique de l’amour
Si les relations amoureuses font rêver les plus romantiques d’entre nous, pour d’autres, elles évoquent des sentiments bien moins joyeux....
13 février 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #493 : aimer l'amour
© Giovanni Mourin / Instagram
La sélection Instagram #493 : aimer l’amour
Romance, amitié, famille, notre sélection Instagram de la semaine célèbre l’amour sous toutes ses formes, sous toutes ses expressions et...
11 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
22 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina