« Quand je suis arrivée pour la première fois à Athènes, j’avais des images de manifestations en tête. Celles de 2010, au début de la crise grecque. Un pays que l’on considère comme étant le berceau de la démocratie et qui devient le symbole de la chute du monde. La Grèce est un laboratoire européen », raconte la photographe française Bérangère Fromont. À travers son dernier projet intitulé Except the Clouds, elle propose une réflexion sur la place de l’homme dans le chaos de l’histoire. « Je partage ici ma réflexion sur l’expérience de l’histoire et la manière dont les jeunes Athéniens en révolte s’emparent d’elle et font face à des sociétés qui ne peuvent plus penser l’avenir au regard de leur passé, précise-t-elle. À travers ce projet, je rends compte de la complexité du contemporain dans ses différentes strates temporelles – passé, présent et futur – comme un ensemble de vestiges qui ne cessent de se transformer. » En parcourant ses images, l’antique et le moderne se côtoient et s’enchevêtrent. « L’héritage mythologique flamboyant d’Athènes cohabite avec sa situation politico-économique sombre et dramatique », ajoute-t-elle.
L’acceptation, c’est le renoncement
« J’essaie de faire de nouvelles images. Des photos qu’on n’a pas l’impression d’avoir vues mille fois ! Cela serait prétentieux de dire que j’y arrive toujours. Cet objectif est le moteur qui me pousse à casser les codes et à jouer avec les limites de la photographie – que je ne connais pas. Créer, c’est résister ! » lâche Bérangère Fromont, en citant Gilles Deleuze. L’idée de marge, de refus de la norme, conduit depuis toujours sa sensibilité. « Le confort, c’est le renoncement. L’acceptation, c’est le renoncement. Mon rapport à la photographie découle de cette conviction », précise-t-elle. L’artiste déteste toute forme de cadre, et aime expérimenter. « J’ai mêlé manipulations digitales, réappropriation et composition. Les expérimentations successives forment à la fin une image hybride et unique, et le tout compose une sorte de fresque du temps présent ». Elle a, par exemple, réalisé des captures d’écran d’images diffusées dans les journaux télévisés. « Je me les suis réappropriées et les ai assombries pour montrer leur caractère spectral, fantomatique », précise-t-elle. Dans le fond comme dans la forme, elle casse les codes photographiques. Des explorations utiles pour rendre compte de notre monde en résistance.
© Bérangère Fromont