Le photojournaliste français Alexis Sciard est l’auteur de Route australe, véritable carnet de bord d’un voyage sur un bateau chargé, pour la science et le vivant, d’assurer le déroulement des recherches scientifiques menées sur les îles subantarctiques. Sans se détacher du réel, il construit une narration poétique et sensible.
« Quatre fois par an, le Marion Dufresne quitte son port d’attache à La Réunion pour se rendre dans les îles subantarctiques françaises, à savoir les archipels Crozet et Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, qui sont des endroits complètements isolés et sauvages, et dans lesquels cohabitent aujourd’hui de minuscules bases scientifiques. Son rôle à lui est de les ravitailler, et d’assurer le changement des équipes de ces bases », raconte Alexis Sciard. Pendant un mois, le photojournaliste a pris part à une rotation du navire, aux côtés de l’équipage et des scientifiques prêts à débarquer dans leurs bases respectives, et accueillir celles et ceux dont la mission est arrivée à son terme. « Nous nous sommes trouvé·es plongé·es dans un nouvel espace-temps, matérialisé par ces îles perdues que rien ne vient perturber, mises à part les allées et venues espacées du navire », se souvient-il. Issu de l’agence IP3, créée par un collectif de photojournalistes passionné·es, l’auteur a couvert de nombreux déplacements politiques, ainsi que le mouvement des Gilets jaunes ou la crise du Covid-19. Route australe fait partie de ses projets récents, où il s’attache à conduire un travail plus personnel et davantage inscrit dans la durée que ses reportages précédents.
Loin des êtres humains, proche de leurs effets
« Les histoires à hauteur humaine, celles qui passent sous les radars mais qui peuvent en dire beaucoup, c’est celles-là qui me fascinent le plus », affirme-t-il. Route australe témoigne de l’effort fourni par chacun·e, de la fatigue et de l’émerveillement quotidien de celleux avec qui il lie connaissance au cours de son voyage. Alexis Sciard se laisse guider, traverse l’océan au rythme de la vie à bord, découvre les différents lieux d’étape du Marion Dufresne. Quelques jours sur place lui permettent la rencontre avec un mode de vie singulier, ainsi qu’avec la richesse d’un environnement méconnu de la plupart. De même que le constat évident de l’impact du réchauffement de la planète sur les archipels et les îles en question. « Près des pôles, les effets du changement climatique sont démultipliés, explique-t-il. La région subantarctique constitue donc un grand laboratoire à ciel ouvert pour les météorologues, spécialistes des fonds marins et de nombreux autres scientifiques. »
Mais Route australe s’attarde également sur les merveilles qui s’y nichent – et qui, à terme, pourraient disparaître… « Je souhaite montrer qu’il existe encore des endroits véritablement sauvages, où la beauté se manifeste en même temps que la fragilité croissante », déclare-t-il. Parmi les images les plus saisissantes de sa série, il y a celle d’une centaine de manchots s’agitant tous au même endroit dans une frénésie parfaitement imaginable. Où celles, empreintes d’une émotion particulière, où l’on peut lire la précaution de chacun·e, qui, foulant ces terres, tente d’y laisser le moins de traces possible. Sous un ciel aux teintes surréalistes, la solitude résonne, dans ces lieux quasiment entièrement désertés par la présence humaine.
© Alexis Sciard