Arles : cinq expositions incontournables

12 juillet 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Arles : cinq expositions incontournables

De passage à Arles, vous vous trouvez dépourvu face à la programmation fournie des Rencontres ? Voici cinq de nos expositions préférées de l’édition 2019. Un top mêlant vintage, archive, street et nature !

Sur terre. Image, technologies et monde naturel 

Les commissaires d’exposition Marcel Feil et Hinde Haest ont réuni vingt-cinq artistes contemporains autour d’un thème crucial : leur rapport aux technologies et au monde naturel. En documentant la forêt située entre l’Azerbaijan et l’Iran, Mehrali Razaghmane démontre que la nature, souvent instrumentalisée comme un pion en politique est soumise aux structures du pouvoir. Les photographes se tournant vers de nouveaux outils pour témoigner de leur environnement sont nombreux. Persijin Broersen et Margit Lukásc, Drew Nikonowicz ou encore Wang Juyan étudient les possibilités d’extension de la réalité à travers le numérique, en se servant entre autres de jeux vidéo, productions en réalité virtuelle ou encore de vues Google Earth. Mark Dorf, Noémie Goudal ou Thomas Albdorf invitent le spectateur à réfléchir aux notions d’inné et d’acquis. Finalement, la nature ne serait-elle pas le résultat de l’intervention humaine ? Qui possède le contrôle, l’homme ou la nature ? Et l’action de l’homme ne brouille-t-elle pas nos visions ? Autant d’approches et d’univers qui confirment une chose : le médium photographique évolue, au même titre que notre monde et nos perceptions.

Commissariat : Marcel Feil et Hinde Haest, aux Forges. Plus d’informations ici

© Thomas Albdorf

Le Chemin Est Tracé [ 4 ], série Je Sais que Je Vais Voir ce que J’ai Déjà Vu, 2015. (Exposition On Earth) © Thomas Albdorf

© Lucas Foglia

Kate dans une Étude par EEG de la Cognition dans le Monde Sauvage, Strayer Lab, Université de l’Utah, Utah 2015 © Lucas Foglia/ Avec l’aimable autorisation de la galerie Michael Hoppen (Exposition On Earth).

The Anonymous Project : The House

C’est une véritable immersion dans les années 1950 que propose The Anonymous Project à la Maison des Peintres. Depuis 2017, le fondateur Lee Shulman et son équipe ont réuni environ 700 000 diapositives et numérisé 10 000 d’entre elles. Une collection colossale d’images d’anonymes, capturant leur quotidien avec ferveur et poésie. Pour sublimer ce voyage original dans le passé, les membres de The Anonymous Project ont construit une maison dans la cité arlésienne. Une scénographie d’un réalisme impressionnant. Dans le frigo de la cuisine se trouve une photographie rétro-éclairée, des portraits ornent les murs du garage, ou une vieille 4L est garée, et la chambre, située à l’étage, abrite des clichés intimes et précieux. Sur deux étages, les diapositives et le décor emportent les visiteurs dans un passé vintage aussi magnifique qu’absurde. Un foyer chaleureux à l’image des clichés présentés : fêtes de famille, promenades avec le chien, emménagements ou encore repas copieux sont les sujets favoris des « anonymes ». Un ensemble joyeux et délicieusement maladroit. Placées dans ce décor sensationnel, les photographies deviennent des fenêtres vers le passé. Une expérience unique et plus que réussie.

Commissariat : Emmanuelle Halkin et Lee Shulman, à la Maison des Peintres. Plus d’informations ici.

© The Anonymous Project

© The Anonymous Project

© The Anonymous Project

Helen Levitt, Observatrice des rues new-yorkaises  

Ce sont les clichés d’Henri Cartier-Bresson qui ont d’abord inspiré Helen Levitt. La photographe new-yorkaise née en 1913 à Brooklyn a laissé de côté la photographie commerciale pour documenter les quartiers pauvres de sa ville natale. C’est sur ce plateau de théâtre qu’elle ne connait que trop bien qu’elle témoigne des problématiques politico-sociétales et autres injustices. Une famille réunie dans une cabine téléphonique, des enfants belliqueux dans la rue, ou encore des passagers photographiés dans le métro… Tous s’approprient l’espace urbain avec délicatesse. L’exposition rappelle ses influences surréalistes et cinématographiques. Et les enfants sont les principaux acteurs de ses récits. Inconscients, authentiques et irrationnels, les jeunes qu’elle photographie n’ont presque aucun rapport avec la société de consommation qu’elle critique. Helen Levitt, Observatrice des rues new-yorkaises réunit des clichés inédits et rend hommage à une grande dame de la photographie de rue. Une retranscription fidèle de la recherche ethnographique et poétique menée par l’auteure. Le détour à l’espace Van Gogh s’impose donc.

Commissariat : Walter Moser à l’espace Van Gogh. Plus d’informations ici.

New York, 1940. L’Albertina, Vienne. Prêt permanent de Austrian Ludwig Foundation for Art and Science. Film Documents LLC, avec l’aimable autorisation de Thomas Zander Gallery, Cologne © Helen Levitt

New York, 1980. Film Documents LLC, avec l’aimable autorisation de Thomas Zander Gallery © Helen Levitt / Collection privée.

La saga des inventions : du masque à gaz à la machine à laver 

À la Croisière, la commissaire Luce Lebart a réuni des centaines d’archives argentiques et dresse les contours d’une histoire de l’innovation. Dans cette exposition coproduite par le CNRS, le visiteur découvre des clichés historiques, presque cliniques et souvent humoristiques, voire absurdes. Ces visuels méconnus content plus de trente ans de recherches et d’inventions, réalisées entre 1915 et 1938, dans le cadre d’une politique nationale d’encouragement à la recherche scientifique. Débuts de l’institutionnalisation de la recherche, premières mises en places d’archives… les images témoignent des succès et insuccès de l’époque. Une épaulière porte-brancard, le rampeur de Monsieur Caufer – un appareil de corps augmenté permettant la reptation, un panier à salade pliant, une machine à laver mixte – lavant la vaisselle et le linge ou bien un appareil de mesure des susceptibilités (électro-aimant)  la liste des objets saugrenus est longue. Si la question de l’utilité ou d’efficacité de la création ne constitue pas le cœur de cette démonstration, force est de constater que les noms des inventions portent des « consonances comico-absurdes ou militaro-poétiques ». Ces prototypes sont un prétexte pour s’attarder sur le rôle du photographe comme sur celui de l’inventeur. Illustrateur clinique pour le premier ? Et artiste farfelu pour le second ? La réflexion autour de la notion du droit d’auteur devient alors légitime. « Ces images d’objets sans objet s’offrent alors au regard comme des assemblages de formes, de textures et de matières proches de sculptures », peut-on lire sur un cartel. Comment dès lors définir l’objet d’art ? Une chose est certaine, La saga des inventions : du masque à gaz à la machine à laver rappelle les pouvoirs esthétique, pédagogique, communicationnel ou encore archiviste de l’image. Des récits multiples et ô combien instructifs.

Commissariat : Luce Lebart, à Croisière. Plus d’informations ici.

Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, Lunettes obturant le champ visuel de Louis Lapicque, Décembre 1926. Collection CNRS, B_6127. (Exposition La Saga des inventions)

Home Sweet Home : 1970-2018, la maison britannique, une histoire politique

Imaginée par la commissaire d’exposition Isabelle Bonnet, Home Sweet Home propose un panorama de la notion de foyer si chère aux Britanniques. Un projet ambitieux, réalisé en une année. Les œuvres de trente photographes illustrent les intérieurs des maisons anglaises, des images familières et ordinaires, devenant des clins d’œil aux contextes sociopolitiques des époques qu’elles traversent. Kitsch et coloré, l’intérieur de l’exposition immerge le visiteur dans une charmante demeure. Moquette et tapisseries fleuries rythment le parcours et subliment les clichés. Sur deux étages, les photographes donnent à voir les banlieues défavorisées comme les lotissements bourgeois, offrant des scènes captivantes. Comme cet extrait d’une émission britannique, dans laquelle l’une des premières participantes à un tournage de télé-réalité prend la parole et explique son aventure. Plus loin, des petits formats recouvrent les murs d’une pièce entière, transformant les clichés en souvenirs éphémères, illustrant l’intimité. Enfin, point d’orgue de l’événement, le travail d’Ed Alcock sur le Brexit vient conclure le parcours, laissant le visiteur songeur… Fruit d’un énorme travail, l’exposition Home Sweet Home invite le visiteur à s’immerger dans un univers à la fois proche et lointain. Une représentation complexe et complète du foyer, pourtant toujours accueillant et intime. Un lieu sûr, au cœur d’un environnement hostile et changeant.

Commissariat : Isabelle Bonnet, à la Maison des Peintres. Plus d’informations ici.

 

© Ken Grant© John Paul Evans

© à g. Ken Grant, à d. John Paul Evans

Image d’ouverture : Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, Cornets acoustiques pour le repérage des avions de Georges Mabboux, 31 mai 1935. Collection CNRS, A_3264.

© Nina Peyrachon

Fisheye continue de vous montrer le chemin avec de nouveaux coups de cœur, à venir : Datazone, La République des bananes, Phénomènes, Les vivants, les morts et ceux qui sont en mer et Unretouched Women.

 

Office national des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, Cornets acoustiques pour le repérage des avions de Georges Mabboux, 31 mai 1935. Collection CNRS, A_3264. (Exposition La Saga des inventions)

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