Avec Blue Bayou, le photographe français Martin Colombet dresse le portrait de son amoureuse Tess, au fond des forêts qui l’ont vu grandir. Transportés ailleurs, dans un voyage sensible, on découvre les instants fleurissants d’un amour loin du monde. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
C’est un pays imaginaire composé par deux amoureux, qui sont aussi des amoureux de l’image. Martin, photographe, les compose ; et Tess, iconographe, les choisit. Mais ici, c’est d’abord son histoire à elle que Martin a choisi de raconter. Un portrait augmenté aux lieux qui l’ont vu grandir, un bayou made in France où la Franco-Américaine retrouve ses racines. L’histoire a commencé de l’autre côté de l’Atlantique, à côté de Boston, au cours de l’été 2018, quand le grand-père de Tess propose au jeune couple d’aller voir une expo de la photographe Sally Mann. « Je connaissais son travail, détaille Martin, en particulier la série Immediate Family, qui avait eu un fort écho en moi, mais je n’avais vu que le livre. Voir les tirages a été un choc pour moi et pour Tess aussi. En rentrant en France, nous avons fait les premières images. »
Un réseau sensuel et onirique
Commencés comme un journal intime qui trace les débuts de leur histoire, les premiers calotypes tissent un réseau sensuel et onirique. Les méandres de la rivière s’associent à la douceur des corps, des plantes et des animaux qui semblent s’y fondre comme dans un songe. Le calotype, cette technique ancienne aux fortes contraintes (faible sensibilité, long temps de pose, mise au point délicate de la chambre 13×18 cm…) « influence la façon de faire de la photographie et de poser, analyse le photographe. Tout prend plus de valeur, la prise de vue devient solennelle. Ce procédé produit de la beauté au-delà de sa plastique et change le rapport au temps. » Loin de toute nostalgie ou du côté « un peu snob et élitiste » de la photographie pictorialiste, Martin n’hésite pas à ajouter des photos prises au Leica ou au smartphone afin de saisir des instants fugaces, des snapshots qui dynamisent la narration. « J’aime bien mélanger les générations d’appareils photo, ça permet de voyager dans le temps. Même si la colonne vertébrale de ce travail demeure le calotype », ajoute-t-il.
Le premier chapitre
Au fil des images de ce huis clos dans les eaux saumâtres de ce Blue Bayou, « où elle et moi dialoguons dans l’indifférence du monde, des lieux hostiles aux civilités des adultes mais où peut s’exprimer pleinement la sauvagerie des enfants », on voit apparaître ce que Tess et Martin appellent leurs totems : des éléments qui balisent leur histoire. Ce sont pour elle les arbres, les canoés et les animaux qui l’ont vu grandir. Puis c’est un arc construit avec un jeune frêne abattu à côté de la maison, et un couteau dont le manche a été façonné avec le cerisier du jardin, que Martin lui a offert. Ou encore les brochets pêchés dans la rivière… Tout un monde aussi réel qu’imaginaire, constituant le premier chapitre d’une histoire que les deux amoureux ont bien l’intention de poursuivre. Pour leur plaisir autant que pour le nôtre.
Blue Bayou © Martin Colombet