Le photographe irlandais Enda Bowe a voyagé à Belfast, de chaque côté des murs de la paix, pour témoigner des conflits territoriaux. Il livre avec Love’s fire song, une série cinématographique prônant la bienveillance.
Établi à Londres depuis vingt ans, Enda Bowe vient d’une petite ville d’Irlande centrale appelée Carlow. Passionné par « les gens, leurs parcours, leurs joies, leurs peines, et par les notions de désir, d’envie, d’aspiration et de vulnérabilité », le photographe réalise des séries au long cours, inspirées par les procédés et techniques littéraires. Ses récits visuels prennent souvent racine dans son pays natal, et ses territoires avoisinants. C’est à Belfast, de part et d’autre des murs de la paix, qu’il réalise Love’s fire song.
Les conflits entre les deux communautés principales habitant l’Irlande du Nord demeurent. Dans les années 1960, les minorités nationalistes catholiques se sont opposées aux majoritaires unionistes et protestants. Malgré les années écoulées, et plusieurs accords passés, les cicatrices psychologiques de ces combats restent ancrées dans le territoire, et les divisions refusent de s’effacer. « Nous avons entendu de nombreuses histoires, en Irlande du Sud, des histoires qui nous ont hantés. Mais nous n’avons jamais pu faire l’expérience de ce que ces communautés vivent au quotidien ni vraiment les comprendre. J’ai donc voulu m’y rendre. Le but n’était pas forcément de photographier, mais d’essayer de me faire ma propre opinion de cette lutte », raconte Enda Bowe.
Voguer d’un espace à l’autre
Sans prendre parti, en voyageant d’un côté à l’autre, le photographe esquisse un portrait sensible de Belfast et de sa jeunesse. Loin d’être politisé, Love’s fire song illustre la beauté d’un espace vulnérable, affaibli par les conflits. « Il était important de construire une zone géographique non reconnaissable. D’éviter les images trop iconiques, les écueils trop évidents. Je voulais mettre en lumière l’ordinaire, les lieux de tous les jours, ceux qui abritent toute la beauté et la magie du monde », confie l’artiste.
Éclairés par une lumière chaude, naturelle, les visages de ses sujets resplendissent, révèlent leurs émotions. Au fil des images, les frontières s’abaissent, et les protagonistes semblent voguer d’un espace à l’autre, traversant sans peine ces lignes physiques qui enferment, et confortent les hommes dans leur haine. Les photographies d’Enda Bowe étirent le temps, invitent à la contemplation. Capturés avec sérénité, les jeunes modèles du photographe se livrent, face à l’objectif. Chaque cliché se transforme en tableau, révélant la splendeur du décor, la grâce des visages, et celle les flammes flamboyantes, éclairant la nuit noire. Une invitation à observer le monde avec un regard différent.
© Enda Bowe