Baptiste Rabichon, en équilibre entre réel et virtuel

15 novembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Baptiste Rabichon, en équilibre entre réel et virtuel
© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon

© Baptiste Rabichon

Jusqu’au 30 novembre, la Galerie Binome à Paris accueille l’exposition Dis-moi les détours de Baptiste Rabichon. En se servant de divers procédés photographiques, de l’argentique au numérique, et en mélangeant abstraction et réalisme, l’auteur redessine les contours de son art.

Baptiste Rabichon aborde la photographie sous tous ses aspects : son histoire, son savoir-faire, ses techniques et l’art de générer des fictions. C’est un artiste qui ne s’interdit rien – dans son travail, numérique et argentique se rencontrent, l’ancien côtoie le contemporain, d’inspirations dadaïstes à l’ère post-internet. Les mondes auxquels il donne naissance n’existent que sur le papier photographique et sont le résultat du mystérieux processus de développement en laboratoire.

Pour l’exposition Dis-moi les détours, l’artiste dévoile des pièces issues de trois séries distinctes. Ludiques et méticuleuses, ces œuvres rendent compte des nombreuses possibilités d’expression de la photographie actuelle et des registres pluriels et complémentaires qu’elle peut investir. Pièces (2023) met en scène un ensemble d’objets réunis en des compositions inattendues afin de créer des espaces complexes interrogeant nos perceptions. Blue Screen of Death (2022), le smartphone vient s’inviter au sein de photogrammes en tout genre. L’omniprésence de l’écran traduit la réalité que nous vivons, le téléphone portable étant devenu un véritable organe externe, prolongement de notre corps. Enfin, l’ensemble Display Tears (2023), qui signifie « larmes d’écran », mélange le Suprématisme avec l’Op-Art, l’Art minimal et le Pixel Art. Des surgissements de couleurs apparaissent dans l’image : ils sont le produit de gouttes d’eau. Elles viennent symboliser l’irruption du réel dans la virtualité. « En agrandissant, en miniaturisant, en transférant, en découpant ainsi des pans du réel, Baptiste Rabichon préserve jalousement sa liberté, sa subjectivité, explique Géraldine Bloch, commissaire et autrice indépendante. Ses visions déformantes/déformées, spéculaires, constituent une espèce de vadémécum poétique pour se souvenir de résister aux servitudes de notre temps. »

Des natures mortes post-internet 

Baptiste Rabichon s’intéresse au caractère hypnotique des écrans, à la lumière bleue qui en dégage et qui provoque une addiction aux outils de communication. Blue Screen of Death et Display Tears sont le fruit de cette observation. Bien que fasciné par les nouvelles technologies, parfaitement à l’aise dans un univers suspendu entre virtualité et réalité, l’artiste interroge le dystopique qui naît de notre relation aux écrans. Pour lui, « l’écran bleu de la mort », un phénomène issu du plantage d’un ordinateur, est « une étrange prémonition de l’envahissement progressif de nos vies par les écrans ».

Dans ces deux séries, il se nourrit de l’héritage dadaïste en se servant du photogramme, un procédé permettant de transformer un objet en images par simple contact. Ce dernier génère souvent des formes inattendues, attribuant aux objets eux-mêmes une autonomie, capable d’alimenter les fantaisies et de construire des structures poétiques inédites. En intégrant dans ses « natures mortes post-internet » un téléphone portable à l’écran allumé, Rabichon fais cohabiter deux supports d’images. C’est une mise en abîme qui symbolise l’omniprésence des smartphone et l’angoisse que celle-ci provoque dans nos corps et dans le contexte social dans lequel ils habitent. Mais l’artiste ne se limite pas à tenir un discours anxieux : cette expérience est aussi un hommage à l’histoire de la photographie et aux nombreuses techniques qui l’ont traversée. Nous pouvons y voir des autoportraits de l’artiste, des « vanités contemporaines », comme les définit Marguerite Pilven, commissaire et critique d’art, évoquant l’impermanence des images et la pluralité des contextes de production, les flux liés à la mondialisation et l’impact qu’ils ont sur notre capacité à dire le monde.

© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon

© Baptiste Rabichon
© Baptiste Rabichon
À lire aussi
Baptiste Rabichon sacré 11e lauréat du Prix Camera Clara 2023
Baptiste Rabichon sacré 11e lauréat du Prix Camera Clara 2023
Ce soir, au studio Frank Horvat, a été révélé le 11e lauréat du Prix de la photographie Caméra Clara : Baptiste Rabichon. Ce prix, crée…
20 avril 2023   •  
Écrit par Léa Boisset
Salon Approche 2022 : de l’élémentaire à l’expérimental
Salon Approche 2022 : de l’élémentaire à l’expérimental
Du 10 au 13 novembre, le Salon Approche présente sa nouvelle édition. Un îlot expérimental réjouissant, à ne pas manquer durant cette…
10 novembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Explorez
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III
Performer l'invisible : Hoda Afshar et l'acte de regarder
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Performer l’invisible : Hoda Afshar et l’acte de regarder
Avec Performer l’invisible, Hoda Afshar transforme une partie du musée du quai Branly – Jacques Chirac en espace de réflexion sur le...
30 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
© Léo d'Oriano
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les images publiées dans Fisheye donnent à voir des messages d’émancipation, de ruptures avec les...
28 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
© Valentin Derom
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
Avec Support Systems, Valentin Derom explore les gestes de soin là où on ne les attend pas : dans les étables, aux côtés de son père...
26 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Oxalis (détail), 2024 © Pooya Abassian
Pooya Abbasian remporte la 3e édition du prix Art & Environnement
Lee Ufan Arles et la Maison Guerlain ont annoncé hier, à la Guerlain Academy, le nom du troisième lauréat de leur prix Art &...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
Residency InCadaqués 2025 © Antoine De Winter
13 expositions photographiques à découvrir en octobre 2025
La rentrée scolaire est souvent synonyme de foisonnement d'expositions. Pour occuper les journées d'automne et faire face à la dépression...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
Untitled, 2008 © Anna Di Prospero
Retrouvez Fisheye au Salon de la Photo 2025 !
La grande halle de la Villette accueille, du 9 au 12 octobre 2025, la nouvelle édition du Salon de la Photo. Rendez-vous en ce début...
08 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
© Chloé Nicosia, One Hundred Trillion Dollars / Courtesy of the artist and Rencontres photographiques du 10e
Rencontres du 10e 2025 : une biennale en prise avec le monde
Pour cette édition 2025 des Rencontres photographiques du 10e, qui défie une nouvelle fois les attentes, les photographes mis·es en avant...
07 octobre 2025   •  
Écrit par Milena III