Dans Behind the Facade, Jennifer McLain compose un monde dans lequel elle tente de se soustraire à des évènements du quotidien qui l’affectent négativement. Au fil des mises en scène de ce projet au long cours, la photographe allemande crée une tension entre l’étrange et le familier.
Dans un intérieur aux fenêtres closes se jouent des scènes singulières. Des mains tantôt gantées, tantôt vernies et parées de bijoux surgissent çà et là, sous un lit ou derrière un canapé. Ce sont celles d’une femme aux cheveux blonds. Les rares fois où elle nous fait face, son visage est dissimulé. Outre sa présence énigmatique, seuls un verre de lait, un casque et des cigarettes ponctuent ce décor tout droit venu des années 1970. « Il est important que mes tirages soient systématiquement caractérisés par une esthétique nostalgique. Les couleurs, la lumière et l’intérieur créent une certaine atmosphère, une de celles qui me plaisent toujours. Je ne pourrais pas imaginer prendre des photos dans des cuisines ou des salles de bains conçues de nos jours », explique Jennifer McLain, artiste allemande à l’origine de ces tableaux réunis dans Behind the Facade.
Une dimension presque délétère
« Une façade peut protéger, elle peut cacher. Nous concevons notre propre façade comme nous l’entendons. Et, généralement, nous décidons nous-mêmes de la part intérieure que nous souhaitons révéler, si tant est que nous voulions le faire », déclare Jennifer McLain. Cette série s’articule ainsi autour d’un personnage sinon d’un support à nos projections. « J’aimerais que celles et ceux qui regardent depuis l’extérieur puissent fabriquer une histoire sur la base de leurs expériences personnelles ou de leurs souvenirs », explique l’artiste. Toutefois, à mesure que nous découvrons ces images, tout ce qui pourrait sembler familier devient étrange. « Mes mises en scène se concentrent sur cette tension, précise-t-elle. Les sujets restent anonymes et, parfois, seuls un objet ou une trace laissent deviner leur présence. En cela, mes photos peuvent avoir l’air voyeuristes… Sauf que le mystère subsiste. »
L’espace dépeint revêt alors une dimension presque délétère. Malgré les couleurs vives, la faible luminosité, les cadrages serrés et les arrière-plans surchargés participent à cette ambiance anxiogène. Ici, aucune échappatoire ne s’offre à nous. « Ce lieu imaginaire – ou non – représente le monde dans lequel nous vivons, assure Jennifer McLain. J’interprète le moment qui va de la mise en scène d’une image au “clic” du boîtier comme celui où je me cache ou je me déconnecte de toutes les composantes de la vie quotidienne qui auraient un effet négatif sur moi, bien que cela soit malheureusement impossible. La réalité est trop intense pour être ignorée. »