Byron Smith : couvrir le crime à New York

Il y a 1 heure   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Byron Smith : couvrir le crime à New York
© Byron Smith. Barbara Joseph, 46 ans, dont le fils Jamal Joseph, 18 ans, a été poignardé, pleure sa mort au domicile de son autre fils Kennedy Joseph jeudi 11 juin 2015 à Brooklyn.
Scène de crime barricadé par la police. En noir et blanc
© Byron Smith. Des enquêteurs recherchant des preuves après qu’un homme a été blessé par balle à la jambe sur Beck Street, dans le Bronx, le 11 juillet 2012.

Byron Smith, photographe américain installé à Athènes qui a récemment sorti un livre sur la guerre en Ukraine (Testament ‘22, éditions Verlag Kettler), a travaillé pendant près de dix ans comme freelance pour le New York Post, le Wall Street Journal, le New York Daily News et le New York Times. Entre 2011 et 2019, de jour comme de nuit, il a été appelé pour se rendre sur des scènes de crimes ou pour couvrir des faits divers et des procès. Il revient sur trois photos qui l’ont marqué.

Une balle dans la jambe

« C’était en 2012, j’avais 25 ans et j’étais “en service” de 17 h à 1 h du matin. J’étais censé travailler de la 23e rue jusqu’au nord de Manhattan et dans le Bronx. C’était l’été et je pensais avoir terminé ma journée un peu plus tôt que prévu. Il était 00 h 45, j’avais rejoint des ami·es dans un bar. À ce moment-là, j’ai reçu un appel du New York Post pour me demander d’aller dans le Bronx. Des coups de feu avaient été tirés. Un homme avait reçu une balle dans la jambe. Derrière le ruban jaune servant à délimiter la scène de crime, il y avait ces enquêteurs. Avec leurs costumes et leur attitude, ils avaient l’air d’être dans un épisode de la série New York, police judiciaire. À partir du moment où l’on se trouve face à une fusillade impliquant un gang, une mère qui a perdu son fils ou une personne non armée qui a été abattue, on tente de contourner les flics pour arriver jusqu’aux personnes vivant aux alentours afin de les interroger. C’est nécessaire, car la police ne vous raconte pas toujours toute l’histoire. Parfois, il m’arrivait de travailler en binôme avec un·e journaliste. Ensemble, nous faisions le tour des bâtiments à la recherche d’un accès ou bien nous demandions à tous·tes celles et ceux qui essayaient de rentrer s’iels vivaient là, s’iels avaient vu ce qui s’était passé. De cette manière, on pouvait récupérer le numéro de téléphone d’un membre de la famille ou le nom de l’hôpital où la victime avait été emmenée. On devenait alors comme des petit·es détectives pendant que les vrai·es enquêteur·ices faisaient leur travail. L’enquête de voisinage est une expérience qui m’a beaucoup aidé par la suite, lorsque j’ai couvert l’Ukraine par exemple. Quand j’ai pris cette photo, je me suis rendu compte qu’elle dégageait une atmosphère très cinématographique, très “film noir”, au point que je ne pensais pas que le journal allait la publier. […] Au cours de cette même semaine, j’ai dû couvrir trois fusillades dans le Bronx. »

Un manifestant se faisant arrêter par la Police lors du mouvement Occupy Wall Street.
© Byron Smith. Un manifestant d’Occupy Wall Street est arrêté par la police après avoir pénétré dans une zone interdite appartenant à Trinity Wall Street à proximité de la place Juan Pablo Duarte, à Manhattan, le 17 décembre 2011.

J’ai su qu’il était temps pour moi de fuir

« Je venais de déménager à New York. Fin 2011, le sujet le plus important, c’était “Occupy Wall Street”, un mouvement populiste anticapitaliste qui militait contre les inégalités économiques, contre l’influence de l’argent en politique et mettait en lumière la défiance de la population vis-à-vis de la grande finance. Les manifestant·es avaient un petit campement au parc Zuccotti, dans le quartier de Lower Manhattan, près de la place boursière. Pour couvrir leurs manifestations, je me levais à 5 h 30 et je prenais un train qui partait de la 181e rue et descendait jusqu’à Wall Street. Cette photo montre trois policiers en train de plaquer au sol un manifestant qui avait franchi une zone clôturée. À ce moment-là, les flics essayaient de cerner tout le monde, ils arrêtaient les gens en masse. J’ai essayé de m’approcher le plus possible pour prendre une photo et de sortir avant qu’ils ne m’attrapent, car je me souviens qu’ils auraient pu m’arrêter aussi. D’ailleurs, on voit que le troisième policier me regardait, même si son visage est un peu coupé. C’est là que j’ai su qu’il était temps pour moi de fuir. Cette série est celle qui a commencé à me faire connaître et m’a permis de débuter au New York Post et au New York Daily News. »

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #69.

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