Byron Smith : couvrir le crime à New York

09 janvier 2025   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Byron Smith : couvrir le crime à New York
© Byron Smith. Barbara Joseph, 46 ans, dont le fils Jamal Joseph, 18 ans, a été poignardé, pleure sa mort au domicile de son autre fils Kennedy Joseph jeudi 11 juin 2015 à Brooklyn.
Scène de crime barricadé par la police. En noir et blanc
© Byron Smith. Des enquêteurs recherchant des preuves après qu’un homme a été blessé par balle à la jambe sur Beck Street, dans le Bronx, le 11 juillet 2012.

Byron Smith, photographe américain installé à Athènes qui a récemment sorti un livre sur la guerre en Ukraine (Testament ‘22, éditions Verlag Kettler), a travaillé pendant près de dix ans comme freelance pour le New York Post, le Wall Street Journal, le New York Daily News et le New York Times. Entre 2011 et 2019, de jour comme de nuit, il a été appelé pour se rendre sur des scènes de crimes ou pour couvrir des faits divers et des procès. Il revient sur trois photos qui l’ont marqué.

Une balle dans la jambe

« C’était en 2012, j’avais 25 ans et j’étais “en service” de 17 h à 1 h du matin. J’étais censé travailler de la 23e rue jusqu’au nord de Manhattan et dans le Bronx. C’était l’été et je pensais avoir terminé ma journée un peu plus tôt que prévu. Il était 00 h 45, j’avais rejoint des ami·es dans un bar. À ce moment-là, j’ai reçu un appel du New York Post pour me demander d’aller dans le Bronx. Des coups de feu avaient été tirés. Un homme avait reçu une balle dans la jambe. Derrière le ruban jaune servant à délimiter la scène de crime, il y avait ces enquêteurs. Avec leurs costumes et leur attitude, ils avaient l’air d’être dans un épisode de la série New York, police judiciaire. À partir du moment où l’on se trouve face à une fusillade impliquant un gang, une mère qui a perdu son fils ou une personne non armée qui a été abattue, on tente de contourner les flics pour arriver jusqu’aux personnes vivant aux alentours afin de les interroger. C’est nécessaire, car la police ne vous raconte pas toujours toute l’histoire. Parfois, il m’arrivait de travailler en binôme avec un·e journaliste. Ensemble, nous faisions le tour des bâtiments à la recherche d’un accès ou bien nous demandions à tous·tes celles et ceux qui essayaient de rentrer s’iels vivaient là, s’iels avaient vu ce qui s’était passé. De cette manière, on pouvait récupérer le numéro de téléphone d’un membre de la famille ou le nom de l’hôpital où la victime avait été emmenée. On devenait alors comme des petit·es détectives pendant que les vrai·es enquêteur·ices faisaient leur travail. L’enquête de voisinage est une expérience qui m’a beaucoup aidé par la suite, lorsque j’ai couvert l’Ukraine par exemple. Quand j’ai pris cette photo, je me suis rendu compte qu’elle dégageait une atmosphère très cinématographique, très “film noir”, au point que je ne pensais pas que le journal allait la publier. […] Au cours de cette même semaine, j’ai dû couvrir trois fusillades dans le Bronx. »

Un manifestant se faisant arrêter par la Police lors du mouvement Occupy Wall Street.
© Byron Smith. Un manifestant d’Occupy Wall Street est arrêté par la police après avoir pénétré dans une zone interdite appartenant à Trinity Wall Street à proximité de la place Juan Pablo Duarte, à Manhattan, le 17 décembre 2011.

J’ai su qu’il était temps pour moi de fuir

« Je venais de déménager à New York. Fin 2011, le sujet le plus important, c’était “Occupy Wall Street”, un mouvement populiste anticapitaliste qui militait contre les inégalités économiques, contre l’influence de l’argent en politique et mettait en lumière la défiance de la population vis-à-vis de la grande finance. Les manifestant·es avaient un petit campement au parc Zuccotti, dans le quartier de Lower Manhattan, près de la place boursière. Pour couvrir leurs manifestations, je me levais à 5 h 30 et je prenais un train qui partait de la 181e rue et descendait jusqu’à Wall Street. Cette photo montre trois policiers en train de plaquer au sol un manifestant qui avait franchi une zone clôturée. À ce moment-là, les flics essayaient de cerner tout le monde, ils arrêtaient les gens en masse. J’ai essayé de m’approcher le plus possible pour prendre une photo et de sortir avant qu’ils ne m’attrapent, car je me souviens qu’ils auraient pu m’arrêter aussi. D’ailleurs, on voit que le troisième policier me regardait, même si son visage est un peu coupé. C’est là que j’ai su qu’il était temps pour moi de fuir. Cette série est celle qui a commencé à me faire connaître et m’a permis de débuter au New York Post et au New York Daily News. »

Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #69.

À lire aussi
« Le crime organisé a profondément infiltré le monde politique québécois »
« Le crime organisé a profondément infiltré le monde politique québécois »
Dans Silver has no shine for magpies, la photographe Laurence Hervieux-Gosselin s’intéresse à la mafia canadienne, et à la fascination…
19 mars 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
© Mark Mahaney
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
En ce début d’année, Fisheye éveille la curiosité qui sommeille en nous en consacrant son premier numéro de 2025 à une thématique…
08 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
© Léo d'Oriano
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les images publiées dans Fisheye donnent à voir des messages d’émancipation, de ruptures avec les...
28 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
© Valentin Derom
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
Avec Support Systems, Valentin Derom explore les gestes de soin là où on ne les attend pas : dans les étables, aux côtés de son père...
26 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Contenu sensible
Marvin Bonheur et Sofiya Loriashvili rejoignent la collection SUB de Fisheye Éditions !
Only you and me © Sofiya Loriashvili
Marvin Bonheur et Sofiya Loriashvili rejoignent la collection SUB de Fisheye Éditions !
Forte de son nom faisant à la fois référence à la subculture, la subversion et au mot « suburb » ("banlieue" en anglais), la collection...
24 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
22e édition des Photaumnales : des foyers intimes aux horizons lointains
© Valentin Valette
22e édition des Photaumnales : des foyers intimes aux horizons lointains
Chaque automne, les Hauts-de-France se transforment en un espace d’expérimentation : les Photaumnales. Ce festival photographique revient...
22 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
© Léo d'Oriano
Les images de la semaine du 22 septembre 2025 : poésie, transmission et écologie
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les images publiées dans Fisheye donnent à voir des messages d’émancipation, de ruptures avec les...
28 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
© Juliette-Andréa Élie / Fondation Avril
Photoclimat 2025 : la photographie au service de l’environnement
Jusqu’au 12 octobre 2025, la 3e édition de la biennale Photoclimat prend ses quartiers à Paris. De la place de la Concorde à celle de...
27 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
© Valentin Derom
Valentin Derom : photographier le soin dans toute son ambivalence
Avec Support Systems, Valentin Derom explore les gestes de soin là où on ne les attend pas : dans les étables, aux côtés de son père...
26 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
L'engagement écologique et la photographie : la séance de rattrapage Focus
© Sophie Alyz
L’engagement écologique et la photographie : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici s’emparent de leur médium pour raconter des récits d’engagement environnemental....
25 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine