Cache

25 juillet 2015   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Cache
Exilée en Israël à l’adolescence sans souvenirs de son enfance, une photographe britannique a souhaité recréer son album de famille. Entretien.

Née à Jérusalem, Dana Stirling a grandi à Londres avant de devoir retourner vivre en Israël. Un déracinement qui la taraude, au point que ses projets sont toujours en lien avec l’identité. La photographe effectue actuellement un master d’Arts visuels dans l’État de New York. Avec sa série Cache (dont elle a tiré un bel ouvrage en 2014), elle a voulu réinventer son album de famille, comme elle nous l’explique dans cet entretien.

Fisheye: Quel rapport entretiens-tu avec la photographie ?

Dana:

Toute ma famille a un lien très fort à la photographie: en Angleterre, mon grand-père possédait un magasin d’appareils photos. Mon père a d’ailleurs appris à développer les photos en noir et blanc alors qu’il était encore enfant. L’idée que ma famille ait un rapport si intime à la photographie m’a donné l’envie de regarder nos vieux albums…

C’est comme ça qu’est née l’idée de cette série ?

Oui. Dans ces vieux albums, la plupart des images ont été prises à Londres: après notre déménagement en Israël, nous n’avons plus vraiment pris de photos.  J’ai réalisé que presque toutes les personnes en photo dans les albums de ma famille m’étaient inconnues, car restées en Angleterre. À mes yeux, elles étaient anonymes. J’ai beaucoup manipulé ces images, je les ai déchirées et transformées dans l’espoir d’enfin ressentir un lien avec ces inconnus. J’en ai tiré la série Anonymous Family qui est la prémisse de Cache.

J’ai ensuite voulu trouver une manière d’être présente dans cet album de famille puisque je ne possédais que de très peu de photos de mon enfance. En comparant les vieilles photos en noir et blanc aux miennes, j’ai trouvé beaucoup de similitudes et j’ai voulu me les approprier. Les frontières se sont brouillées peu à peu et tous les clichés sont devenus intemporels.

Photo extraite de la série "Cache", © Dana Stirling
Photo extraite de la série “Cache”, © Dana Stirling

Pourquoi avoir choisi le titre Cache ?

Ce titre est l’élément clé de mon projet. Le terme renvoie aux trésors, aux informations et aux souvenirs enfouis profondément. Même s’il s’agit de jargon informatique [ndrl: le titre fait référence à “mémoire cache“] , sa définition reflète parfaitement mon travail. A travers cette série, j’ai exploré mon identité morcelée. En Israël, la barrière du langage, le décalage culturel et le fait que je ne me suis jamais sentie Israélienne et pas tout à fait Britannique ont été autant d’obstacles à ma construction personnelle. Ce projet me permet de recréer mon histoire familiale avec un album dont je suis l’auteure: je suis enfin maîtresse de mon identité.

Comment décrirais-tu ton style en quelques mots?

Dans mon travail, la photographie pure [ndlr:”straight photography”en anglais], sans retouche, et les natures mortes s’entremêlent. J’essaie de prendre des photos à la fois poétiques et porteuses d’une information. Je m’inspire beaucoup de mon héritage familial et des albums photos d’inconnus, trouvés dans les marchés aux puces. Mon déracinement m’a poussé à ré-écrire mon histoire pour me l’approprier.

Photo extraite de la série "Cache", © Dana Stirling
Photo extraite de la série “Cache”, © Dana Stirling

Sur quel projet travailles-tu actuellement ?

J’ai toujours été nomade et depuis deux ans je voyage beaucoup dans le nord-est des États-Unis. Je souhaite inventer une histoire de famille en mêlant mes photos à des vieilles photos d’archives. Ces clichés peuvent permettre à des histoires orphelines de refaire surface. Au fil de mon projet, j’ai même l’impression de m’être attachée à des lieux et des personnes que je ne connais pas. Le projet s’intitule “Best, with a dash of worse” (en français, “Le meilleur, et un soupçon du pire”).

Dana Stirling 11_fisheyelemagPicture 016Dana Stirling_Buttons_2012_fisheyelemagDana Stirling_Forest Fire_Unknown_2013_fisheyelemagPicture 006Dana Stirling_Present_Unknown_2013_fisheyelemagDana Stirling_Trapped Bird_NYC_2013_fisheyelemagDana_Stirling_1_fisheyelemagDana_Stirling_3_fisheyelemagDana_Stirling_4_fisheyelemagDana_Stirling_8_fisheyelemagdana-stirling_swan1_fisheyelemag

Propos recueillis par Hélène Rocco

En (sa)voir plus

→ L’ensemble des travaux de Dana sont à retrouver sur son site, ICI

→ Retrouvez Dana sur Instagram: @dana_stirling

→ Et aussi sur Facebook

 

 

 

Explorez
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
© Diane Velex
Les coups de cœur #529 : Diane Velex et Sára Kölcsey
Diane Velex et Sára Kölcsey, nos coups de cœur de la semaine, expriment leurs émotions à travers l’objectif. La première dévoile ses...
27 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #490 : jardin secret
© Talya Brott / Instagram
La sélection Instagram #490 : jardin secret
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine confectionnent un nid douillet. Sur leurs images se dévoilent un cocon familial...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
© Marion Brun
Marion Brun : faire résonner l’écho de la nuit et de la couleur
Photographe grenobloise installée à Arles, Marion Brun explore dans sa série echos, la complémentarité des couleurs et des textures, le...
17 janvier 2025   •  
Écrit par Hugo Mangin
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
© Marion Ellena. Scrolling (de la ventana), 2023.
Prix Polyptyque 2024 : célébration des expérimentations et du livre photo
La Galerie Sit Down à Paris accueille les quatre lauréat·es du Prix Polyptyque 2024 pour une exposition conjointe qui se tient jusqu’au...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
© Jack Latham
Beggar’s Honey : Jack Latham s’immisce dans le monde clandestin des fermes à clics
Depuis dix ans, Jack Latham mène des recherches sur la naissance des théories conspirationnistes et la manière dont ces récits sont...
04 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
© Annissa Durar / Instagram
La sélection Instagram #492 : battre le pavé
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’emparent de la rue, l'arpentent, la figent, la saisissent. Détails chocs...
04 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil des photographes qui racontent leurs images aux chics allures
© Guillaume Blot
Dans l’œil des photographes qui racontent leurs images aux chics allures
Fisheye se plaît à faire parler les photographes, à les inciter à dévoiler les secrets qui se cachent derrière leurs images. La rédaction...
03 février 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine