Ce qu’il reste du Far West

17 août 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Ce qu'il reste du Far West

Alors qu’il voyage pour la première fois dans l’Ouest américain, le photographe allemand Joachim Hildebrand découvre un territoire loin de celui de son imaginaire. Wild West capture l’identité moderne du Far West, une région façonnée par les conquêtes du passé.

Dès son adolescence, Joachim Hildebrand est fasciné par la photographie, et la liberté qu’elle procure. « Un appareil photo me permettait d’observer le monde d’une autre manière qu’à l’œil nu », explique le photographe allemand. « À l’aide de mon objectif, je pouvais couper des parties du monde, et les réarranger dans un cadre, pour créer une nouvelle vision ». Joachim s’intéresse à l’intervention de l’homme dans l’espace, « mais pas à l’extraordinaire, au contraire, au banal », précise-t-il. Il documente les lieux dans lesquels les gens évoluent. « Ils transforment l’environnement, mais l’environnement les transforme aussi », ajoute le photographe. « En regardant attentivement, l’espace urbain, l’architecture et sa relation à la nature, on peut en apprendre beaucoup sur la société sans pour autant la montrer ».

Dans Wild West, Joachim présente un univers aseptisé, déserté par cette société. Pourtant les images aux compositions géométriques portent toutes des traces humaines. La conquête de l’Ouest est bien terminée, et le paysage qui s’étale sur les pages du livre est urbanisé, dompté par l’homme. Un décor presque surréaliste. « Pourtant, je ne mets pas en scène mes clichés », confie Joachim. « Ainsi, les images sont ancrées dans ma réalité. Pour moi le véritable challenge est d’y ajouter ma perception de cette réalité, afin de créer des images qui la transcendent ». Et dans cet ouest fantasmagorique, le photographe construit un nouveau récit.

© Joachim Hildebrand© Joachim Hildebrand

Le fantasme de l’Ouest américain

Joachim est adulte, lorsqu’il se rend pour la première fois dans l’Ouest américain. Dans son imagination, se trouve un territoire ressemblant au mythe de la Frontier, où cowboys et Indiens se partageraient les grandes plaines verdoyantes. « Je savais que la vérité serait tout autre, évidemment », précise le photographe. « Mais découvrir que ces archétypes sont devenus des banalités m’a fait un choc. ». Étonné, il capture un paysage tout autre que celui de ses rêves d’enfant. « Si l’on veut raconter l’histoire d’une société, il faut regarder le paysage créé par l’homme, et non pas les panoramas arides de la région », ajoute-t-il. Commence alors le récit de son Wild West, un monde industrialisé, dans lequel la nature n’évolue plus librement, au profit des paysages urbains. En donnant à son ouvrage ce titre, Joachim joue avec notre imaginaire collectif. Il superpose un fantasme commun au monde réel. Canyons, montagnes et courses de chevaux se mélangent aux constructions modernes et tranquilles du présent. « Le mythe de la conquête de l’Ouest est très important aux États-Unis, d’une certaine manière, ce livre est une vision de l’état actuel du pays », conclut le photographe.

© Joachim Hildebrand

© Joachim Hildebrand© Joachim Hildebrand
© Joachim Hildebrand© Joachim Hildebrand

© Joachim Hildebrand

© Joachim Hildebrand© Joachim Hildebrand
© Joachim Hildebrand© Joachim Hildebrand

© Joachim Hildebrand

© Joachim Hildebrand

Wild West, Éditions Kehrer, 39,90 €, 128 p

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