
Jusqu’au 22 février 2026, Chaumont-Photo-sur-Loire vous donne rendez-vous avec la nature. Pour sa 8e édition, l’événement accueille Guillaume Barth, Kim Boske, Tamás Dezsö, Vincent Fournier et Santeri Tuori. Si l’ensemble des artistes compose avec la photographie, leurs œuvres évoquent pourtant la peinture et la sculpture.
« À l’heure des images instantanées et de leur flux continu, certains artistes choisissent la patience, l’attention, le détour. Ils pointent leur objectif vers ce qui ne se donne pas d’emblée et s’attachent à une lumière qui s’immisce, un souffle qui traverse, une mémoire qui affleure. Pour eux, la nature n’est ni décor, ni sujet, elle est la partenaire d’un dialogue sensible », déclare Chantal Colleu-Dumond. Chaque année, la commissaire d’exposition de Chaumont-Photo-sur-Loire sélectionne avec soin les photographes qui investissent le domaine pour la saison froide. Pour cette 8e édition, toutes et tous ont en commun d’avoir une pratique qui renvoie à d’autres disciplines plastiques.
En superposant différentes strates de temps, Kim Boske recompose des univers végétaux à la manière de peintures. Des fleurs aux contours flous en surgissent comme autant de motifs abstraits et colorés. « Il s’agit de ce que l’on retient de l’expérience du jardin », confie-t-elle avec un sourire. Dans un autre genre, avec Tout se met à flotter, Tamás Dezsö joue également avec les accumulations d’éléments qui peuplent ces espaces naturels afin de bousculer nos repères. Les nuances de vert disparaissent presque de ses tirages, consacrés aux quatre saisons, au profit des violets, des rouges, du noir et du blanc. Les clichés nébuleux de Sky, signé Santeri Tuori, évoquent, quant à eux, les toiles romantiques du XIXe siècle. Ici, le ciel devient matière picturale.



Enjeu géopolitique et uchronie
À travers leurs images, d’autres artistes font plutôt allusion à la sculpture. C’est notamment le cas de Guillaume Barth qui a, par ailleurs, réalisé un véritable édifice en sel, semblable à un igloo, au cœur du Salar d’Uyuni, dans les hautes terres boliviennes, pour sa série Elina. « Là-bas, quand les premières pluies tombent, le désert devient le plus grand miroir naturel au monde », explique-t-il. Dès lors, grâce à son reflet, la demi-sphère retrouve sa moitié et se transforme en un astre. Convoquant la mémoire d’une culture ancestrale, son œuvre poétique alerte toutefois sur un enjeu géopolitique majeur de la région. De fait, le lac recouvre des réserves de lithium. L’extraction de ce métal blanc, nécessaire aux batteries, voue ce paysage si singulier à une disparition certaine qui interpelle l’auteur : « Qu’est-ce qu’une transition écologique au détriment de traditions millénaires ? »
Avec Flora Incognita, Vincent Fournier préfère se tourner vers l’avenir d’un autre univers. Son projet s’impose comme une uchronie ou, autrement dit, une reconstruction fictive de notre monde. À cet effet, le photographe a collaboré avec des scientifiques pour imaginer des végétaux qui pourraient pousser sur des exoplanètes. À partir de fleurs bien réelles et d’un logiciel de photogrammétrie, il propose un bouquet de 27 espèces aux couleurs vives et aux courbes étonnantes. « Plus un milieu est contraint, plus il va développer un inventaire de formes », souligne-t-il. En fin de compte, si Chaumont-Photo-sur-Loire apparaît comme un écrin de sérénité hors du temps, bien loin de l’agitation quotidienne, il stimule toujours des réflexions sur l’environnement.