Chaumont-Photo-sur-Loire : l’émerveillement de nature

28 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Chaumont-Photo-sur-Loire : l'émerveillement de nature
© Loredana Nemes
© Éric Poitevin

Comme à l’accoutumée, Chaumont-Photo-sur-Loire investit le domaine qui inspire son nom le temps de la saison froide. Six photographes vous y proposent une promenade contemplative en plein cœur de la nature, à découvrir jusqu’au 25 février 2024.

Pour la sixième année consécutive, le domaine de Chaumont-sur-Loire accueille son propre festival de photographie. Comme pour rendre hommage à la beauté sereine des lieux, celui-ci donne à voir différentes facettes de la nature, souvent méconnues de la plupart d’entre nous. Par le prisme des tirages, au nombre de 158 cette année, la manifestation invite ainsi son public à redécouvrir le monde alentour avec poésie. Le singulier voyage proposé pour cette nouvelle édition a pour guides Éric Poitevin, Bae Bien-U, Ljubodrag Andric, Loredana Nemes, Nicolas Floc’h et Thierry Ardouin. Selon les approches qui leur sont propres, les six photographes ont sondé le paysage pour en faire émerger les merveilles, précieuses et fragiles, auxquelles il convient de prêter davantage attention. « Hors de tout contexte, l’image parle d’elle-même. Sans repères, l’œil s’investit, tandis que l’esprit s’enthousiasme de curiosité », assure Chantal Colleu-Dumond, la commissaire d’exposition.

© Andric Ljubodrag
© Loredana Nemes
© Éric Poitevin
© Éric Poitevin

Des espaces de sérénité

Notre déambulation poétique commence par les fragments de nature d’Éric Poitevin. Devant nous figurent d’abord des forêts foisonnantes qui, au détour d’un couloir, s’apparentent à de larges fenêtres donnant sur le monde. À mesure que nous avançons, les cimaises s’agrandissent tandis que les sujets se font de plus en plus solitaires. Nous découvrons finalement des fleurs des champs, seules sur fond blanc, que personne ne perçoit d’ordinaire. Le regard s’ouvre alors et contemple les formes graciles qui s’offrent à lui. Nous marquons ensuite une halte devant les architectures picturales de Ljubodrag Andric, qui se distinguent par leurs nuances d’ors et de roses et révèlent également de nouveaux motifs. De retour dans cette civilisation qui, ici, paraît inhabitée, les bâtisses, prises en Inde comme en Italie, se confondent. Elles jouent avec les perspectives et les proportions jusqu’à créer une tension qui ne semble se résoudre que dans l’abstraction. 

Le mystère se prolonge chez Bae Bien-U et de Loredana Nemes, dont les œuvres monochromes font preuve d’un onirisme marqué. Les clichés du premier esquissent des collines volcaniques traversées par des nuées blanches ambiguës, pareilles à un regroupement volatile de ces graminées que nous retrouverons par la suite. Ceux de la seconde représentent quant à eux les hêtres, immortalisés au fil des saisons, d’une petite île sur laquelle Caspar David Friedrich avait l’habitude de se retirer pour peindre. Au sein de cet espace de sérénité, les souvenirs s’entremêlent et nouent un dialogue avec les éléments naturels qui composent cette terre immergée. Perçus par la photographe comme de véritables paysages-états d’âme, les tableaux se font également vanités et renvoient au cycle de la vie.

© Andric Ljubodrag
© Thierry Ardouin / Tendance Floue

Le réenchantement des imaginaires

D’une tout autre manière, Thierry Ardouin s’intéresse à ces mouvements de l’existence. De fait, depuis qu’il a découvert, en 2009, le catalogue officiel des espèces et variétés végétales qui recense, entre autres choses, les graines qu’il est autorisé de planter dans l’Hexagone, le photographe a développé un attrait particulier pour cet univers. Fruit d’une mise au point étudiée, ses images donnent à voir les contours de ces semences. Loin d’être anodins, ces derniers indiquent notamment leur manière de se déplacer et leurs origines, et témoignent, en contrepoint, d’un charme qui échappe à l’œil humain. Nicolas Floc’h, enfin, poursuit cette quête de représentation de l’invisible ou presque, en prenant pour muse les forêts d’algues qui habillent les fonds bretons. Cette architecture naturelle, entretenue par les dérèglements climatiques, n’est que très peu illustrée, et les imaginaires ont davantage en mémoire les images de la flore sous-marine exotique que celles de nos côtes françaises. 

Comme le souligne Chantal Colleu-Dumond, si les éditions successives de Chaumont-Photo-sur-Loire ont en commun d’attirer l’attention sur la fragilité de nos écosystèmes, la célébration de l’imperceptible à laquelle s’adonne les artistes cette année font la part belle au réenchantement des imaginaires. « Cette sixième édition est volontairement plus silencieuse et méditative, qualités propices à provoquer l’émerveillement plutôt que la prise de conscience, tant nous sommes fondamentalement convaincus que notre société a besoin de beauté et de douceur », conclut-elle à juste titre.

© Thierry Ardouin / Tendance Floue
© Thierry Ardouin / Tendance Floue
À lire aussi
Le vert et le noir
Le vert et le noir
Dans sa série Algues Maudites, Alice Pallot se penche sur les algues toxiques proliférant sur les côtes bretonnes. Mêlant approche…
29 septembre 2022   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Chaumont-Photo-sur-Loire : là où la nature se révèle, l’existence se romance
Chaumont-Photo-sur-Loire : là où la nature se révèle, l’existence se romance
Jusqu’au 26 février 2023, Chaumont-Photo-sur-Loire vous reçoit dans le domaine qui inspire son nom. Au cœur de ce somptueux écrin…
24 novembre 2022   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
© Juliette-Andréa Élie, œuvre réalisée dans le cadre d'une résidence au musée Nicéphore Niépce
Dans l’œil de Juliette-Andréa Élie : éprouver le paysage qui se transforme
Cette semaine, plongée dans l’œil de Juliette-Andréa Élie. Au moyen de diverses techniques, la photographe et plasticienne compose des...
22 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
© Massimiliano Corteselli
Dans l’œil de Massimiliano Corteselli : l’inextinguible feu du mont Chimère
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Massimiliano Corteselli, auteur de la série Contrapasso. Dans ce projet au long cours, dont nous...
15 juillet 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d'espoir
© Dana Tentea / Courtesy of Galerie Triangle
Change à la Galerie Triangle : six histoires de ravage et d’espoir
Du 1er au 14 juillet, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Galerie Triangle consacre une exposition à la cause environnementale, et...
28 juin 2024   •  
Écrit par Milena Ill
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
© Myrto Papadopoulos
Une photographie contemporaine 100% nature à l’Abbaye de l’Épau
Jusqu’au 3 novembre, l’Abbaye de l’Épau présente Dans les herbes hautes, une série d’expositions contemplatives qui ont lieu dans son...
27 juin 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
© Cait Oppermann
Jeux olympiques : ces séries de photographies autour du sport
Ce vendredi 26 juillet est marqué par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. À cette occasion, nous vous...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
© Iwane Ai. A New River series, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.
Transcendance par Kyotographie : promenade contemporaine au Japon
À l’occasion des dix ans du Festival, Kyotographie investit les Rencontres d’Arles pour la première fois. L’exposition...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
© Jules Ferrini
À Arles, Jules Ferrini capture le noir solaire
À travers deux séries, Noires sœurs et Modern Sins, Jules Ferrini plie la lumière et le temps pour faire vibrer l’obscurité d’un...
26 juillet 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
© Robin de Puy
Robin de Puy : partout, l’eau au centre du paysage
L'exposition Waters & Meer - Robin de Puy revient sur deux séries de la photographe néerlandaise. Un hommage aux populations rurales...
25 juillet 2024   •  
Écrit par Costanza Spina