Photojournaliste de profession, Chloe Sharrock a couvert de nombreux conflits. Dans Il hurlait encore, la membre de l’agence MYOP retravaille ses propres archives afin de constituer une nouvelle imagerie de guerre qui retient l’attention et interroge celui ou celle qui regarde.
« On ouvre Instagram et, sans réfléchir, on fait défiler sa page d’accueil. On voit des souvenirs de vacances en Italie, suivis d’adorables chatons. Tout d’un coup, ce sont des ruines à Gaza. Une publicité pour une marque de fringues apparaît, puis on retrouve des photos de vacances. Sur les réseaux sociaux, les gens publient des scènes de guerre comme des moments de leur quotidien », remarque Chloe Sharrock, l’air pantois. C’est après avoir couvert le conflit russo-ukrainien pendant plus d’un an que la photojournaliste et membre de l’agence MYOP a pris conscience de la banalisation de ce genre d’images. Ces dernières, aussi terribles soient-elles, se ressemblent toutes. Sur le terrain, elle a pu le constater, des dizaines de photographes du monde entier les ont prises. Sur Internet, la surabondance de ces témoignages visuels annihile finalement leur portée, quand ils ne sont pas déjà dénués de tout élément de contexte. « Quand on produit ce type de contenu, on a la responsabilité de faire en sorte que l’on ne s’habitue pas à la violence. Sinon, on est obligé d’aller de plus en plus loin dans ce que l’on montre, ce qui constitue un vrai danger », souligne notre interlocutrice.
Donner un second souffle aux archives
Afin de capter l’attention du public, Chloe Sharrock a imaginé Il hurlait encore, une série au long cours qui brouille aussi bien les frontières géographiques que plastiques. « Un jour, dans un geste de colère, j’ai pris une photographie que j’avais réalisée en Irak et je l’ai photocopiée à outrance. Je voulais voir à quel point je pouvais répéter l’image avant de l’altérer », explique-t-elle. À la suite de cette première expérience, elle se plonge dans ses archives composées en Irak, mais également en Ukraine, en Syrie et à Gaza, et décide de leur donner un second souffle. Pour ce faire, elle emploie notamment la photogravure et le charbon, substance qui jonche les zones de conflit. L’ensemble en noir et blanc, qui s’apparente à du dessin et se distingue de son travail en couleur pour la presse, finit par susciter l’interrogation.
La suite de cet article est à retrouver dans Fisheye #72.