Jusqu’au 24 février, la galerie Les Douches présente les archives du collectionneur Christian Bouqueret, fervent défenseur des avant-gardes photographiques du siècle dernier. L’exposition met aussi en avant le fonds photographique de l’entre-deux-guerres, fruit de quinze années d’études sur cette période charnière dans l’histoire de l’art.
Attiré, depuis son plus jeune âge, par les avant-gardes artistiques, Christian Bouqueret (1950-2013) est l’un des historiens et collectionneurs de photographies les plus novateurs des dernières décennies. Pour la première fois, la galerie Les Douches à Paris, lui rend hommage avec l’exposition Je veux voir de l’art. Ce parcours dépoussière et dévoile son immense fonds d’archives avec une attention particulière portée aux avant-gardes de l’entre-deux-guerres, une période qui fascinait particulièrement l’historien. Avec son regard sensible aux innovations et aux grands courants qui agitent l’histoire, il a déniché certains des noms les plus intéressants du siècle dernier.
Jeune, Christian Bouqueret fréquente le Musée d’art moderne de Paris et les galeries du boulevard Saint-Germain, notamment celle de Denise René. Dans les années 1970, il vit à Berlin, ville cosmopolite, où il rentre en contact avec le Bauhaus, qui met la photographie en lien avec les autres arts d’une façon inédite. En Allemagne, il forge son œil de collectionneur avant-gardiste, s’intéresse à l’histoire de l’art et à la germanistique. Constructivisme, surréalisme, nouvelle objectivité… Tous ces courants se succèdent dans ces années-là, et constituent un véritable choc esthétique pour le futur collectionneur. C’est une période foisonnante, entre reconstruction et angoisse de l’avenir : chacun de ces mouvements enrichit et influence les jeunes photographes dans tous les domaines de leur production (portrait, publicité, reportage, mode, expérimentation…). C’est en 1982 que Bouqueret donne vie à sa première exposition aux Rencontres d’Arles. Du milieu des années 1980 jusqu’à 2004, il monte une vingtaine d’expositions, notamment celles de François Cheval, Jean-Luc Monterosso, Gérard Guillot-Chêne ou Blandine Chavanne. Dans la dernière phase de son activité, avec l’aide de Marie-Claude Lebon, il se penche sur les photographes français·es de l’entre-deux-guerres et révèle au monde toute la richesse de cette scène artistique.
Une période charnière de l’histoire de l’art
La passion de Bouqueret pour les années de l’entre-deux-guerres se manifeste dans son ouvrage emblématique, publié en 1996, Des années folles aux années noires, la nouvelle vision photographique en France 1920-1940. Fruit de quinze années de travail, ce livre se concentre sur une période charnière de l’histoire de l’art et remporte le prix Nadar 1997. L’aventure commence en 1990, lorsqu’il crée avec Marie-Claude Lebon la galerie Bouqueret+Lebon. La curation est entièrement dédiée à la redécouverte des photographes français·es de la période, à la présentation de la scène photographique contemporaine allemande (Kurt Buchwald, les Blume, Dieter Appelt, Gerd Bonfert, Jürgen Klauke, Dörte Eißfelt) et à des photographes travaillant en France (Tom Drahos, Marc Donnadieu ou Thierry Balanger). Les travaux qui l’intéressent le plus sont ceux qui font de la photographie un outil en lui-même, en l’abordant pour ce qu’elle est en non pas pour ce qu’elle représente. C’est tout naturellement qu’il se penche alors sur Raoul Ubac – certainement le photographe à l’approche la plus expérimentale dans la fabrication d’images de cette époque – ou les travaux de l’Allemand Heinz Hajek-Halke, qu’il découvre à la fin des années 1970. L’exposition hommage Je veux voir de l’art est une véritable frise chronologique illustrant les transformations et les évolutions techniques de la photographie au siècle dernier. La curation, assurée par Éric Rémy, est une rare occasion de découvrir des tirages historiques.