Depuis sa 8e édition, le festival Circulation(s), soutenu par WhiteWall, met en lumière la photographie émergente d’un pays européen en particulier. Cette année, ce focus est tourné vers la Lituanie et révèle quatre artistes issu·es de ce territoire – terre d’accueil de nombreux réfugié·es ukrainien·nes.
Le choix de la Lituanie comme pays invité dans le cadre du focus de Circulation(s) n’est pas sans raison. Depuis 2019, le festival de la jeune photographie européenne, présenté au CENTQUATRE-PARIS, met en lumière une scène photographique émergente européenne dans une exposition focus dédiée. « Cette année, nous avons le plaisir d’accueillir la Lituanie. Cela conclut la saison de France-Lituanie, qui s’est déroulée tout au long de l’année 2024-2025, explique Clara Chalou, l’une des six directrices artistiques de l’événement. Aussi, il était sensé de choisir ce pays, en écho à l’accent mis l’année dernière sur l’Ukraine. En effet, la Lituanie est l’un des pays d’Europe qui accueille le plus de réfugié·es ukrainien·nes. » Les œuvres d’Ieva Baltaduonyte, d’Agne Gintalaite, de Paulius Petraitis et Visvaldas Morkevicius dialoguent dans un atelier aux cimaises blanches et à la vigoureuse lumière. Photographie, IA générative, impression sur tissu, pixels et texte racontent de multiples récits : ceux de la guerre et des personnes déplacées, de la perte d’un être et de son souvenir, des erreurs et de la désinformation. Accompagnée par WhiteWall pour les tirages et l’encadrement, cette exposition efface les frontières et dévoile les liens puissants qui existent entre les peuples du Vieux Continent.
Soutien à l’Ukraine
L’Ukraine résonne dans ce focus porté par la Lituanie. Ieva Baltaduonyte conte une histoire souvent omise, celle du syndrome de stress post-traumatiques (SSPT) qui touchent les Ukrainien·nes qui ont cherché l’asile dans son pays. « On parle rarement des conséquences émotionnelles des réfugié·es », soutient la photographe. Pour sa série Uprooted, l’artiste a rencontré une psychologue et ses patient·es. « La plupart sont des femmes, précise-t-elle, car elles représentent – avec les enfants – 90 % des réfugié·es. » Dès le début de l’invasion russe en 2022, l’autrice s’intéresse à ces femmes et ces adolescentes : « J’ai assisté à de nombreuses séances avec la psychologue, j’ai pu passer du temps avec les réfugié·es, les écouter partager leurs expériences traumatisantes. » D’après quelques études statistiques, une personne réfugiée sur dix souffre de SSPT. « Après ces réunions, je tirais le portrait de celles qui le souhaitaient. Elles étaient généralement heureuses de le faire, car elles voyaient une certaine importance dans ce travail », ajoute-t-elle. Sur les œuvres d’Ieva Baltaduonyte transparaît la douleur – l’anxiété, les cauchemars, les crises de panique. Elle est rouge et vive, elle est noire et sombre. Mais dans l’épreuve, ces femmes sont résilientes et fortes.
Le processus de deuil
Dans un autre registre, Visvaldas Morkevicius sonde la question du deuil. En partant d’une expérience personnelle – la perte d’un être cher, dont on ne connaît pas la filiation –, l’artiste étudie les limites de la photographie dans son travail I Want to Tell You Something. « Je m’intéresse essentiellement au temps et à la mémoire. On revient toujours à la mémoire de quelque chose qui n’existe plus. Ces moments en suspens, je ne peux pas les saisir au présent. Alors, j’ai réalisé des boucles en utilisant des images d’archives et en capturant des objets du quotidien qui me ramenaient à mes souvenirs, raconte-t-il. Ensuite, j’ai les ai imprimées, je les ai scannées deux, trois, quatre fois, jusqu’à ce que ces images, en tant que souvenirs, commencent à changer, à évoluer vers quelque chose de neuf, vers un nouveau corps. Et qui, en fin de compte, n’a même jamais existé. » Au milieu des photographies sur les cimaises trône un calepin de feuilles blanches, quelques poèmes typographiés dessus, tel un dialogue qui se crée avec la personne disparue. Cet ensemble de visuels et de textes intrinsèquement lié permet à l’auteur d’aller de l’avant, « d’accepter mon propre moi dans le présent », conclut-il.