La photographe d’origine suisse a consacré sa vie à défendre la cause des Indiens Yanomami, en Amazonie brésilienne. Son œuvre est aujourd’hui exposée dans toute son ampleur et sa complexité à la Fondation Cartier, à Paris, alors que l’avenir du peuple amérindien est plus que jamais menacé. Cet article, rédigé par Christian Caujolle, est à retrouver dans notre dernier numéro.
Il est des expositions qui tombent à point nommé. Malheureusement, faut-il ajouter, dans le cas de celle de Claudia Andujar, avec et autour des Indiens Yanomami. Cet ensemble était accroché à l’Instituto Moreira Sales de Sao Paulo alors que l’Amazonie brûlait et que le président brésilien Jair Bolsonaro, fidèle à ses discours de campagne électorale, conspuait les « indigènes » dont il a clairement dit qu’ils étaient inadaptés au monde contemporain et devaient disparaître. On peut imaginer la rage et le désespoir de Claudia Andujar, bientôt nonagénaire, qui a consacré l’essentiel de sa vie et de son œuvre à la tribu amazonienne des Yanomami en danger.
Les Indiens représentent le combat de sa vie. Pas seulement au sens de la photographie, qui n’a été que l’accompagnement d’un engagement pour un peuple et une culture. La photographe a obtenu, après plus d’un quart de siècle de lutte, que le droit des Indiens indigènes sur leur terre soit inscrit dans la constitution du Brésil, en 1988. Avant les expositions individuelles, avant les monographies, avant la célébration dans les biennales d’art contemporain et les galeries, c’est sous forme d’affiches militantes, d’expositions à but pédagogique, de brochures engagées que les photographies de Claudia Andujar ont circulé, ont été vues et reconnues, accompagnant des slogans: « Le génocide des Yanomami, c’est la mort du Brésil », ou encore « Le jour où disparaîtrait le dernier Yanomami, la planète serait véritablement en danger ».
Expérimentations plastiques
Avant tout cela, il y a le vécu. Les mois dans la forêt, le partage de la vie quotidienne, la tentative de connaissance, les expérimentations plastiques de la part de celle qui utilise parfois la pellicule infrarouge comme elle le faisait à Sao Paulo, par défi, alors que la dictature en interdisait l’usage, réservé, paranoïa oblige, à l’armée. Les arbres de la ville comme ceux de la forêt devenaient alors rouges, comme marqués de sang. Il y a, naturellement, tous ces portraits tendres, en noir et blanc, ces enfants dans l’eau, communiant avec la nature, ces visages que la photographe ne regarde jamais avec exotisme. En couleur, les surimpressions qui tentent de visualiser les rêves des Indiens, différents des nôtres, combinant le feu et l’eau. Tout un univers que l’artiste traduit en s’effaçant. Elle est au service de leur cause avec ses images, comme elle l’a été en faisant le tour du monde, passant par le Japon et le siège des Nations unies pour dénoncer les atteintes aux droits des Indiens. Comme elle l’est en leur donnant, depuis toujours, un tiers du produit de la vente de ses œuvres. Elle avait gagné, jusqu’à aujourd’hui…
Son père était un juif hongrois, sa mère une Suissesse, et elle est née à Neuchâtel en 1931. La famille rejoint très tôt la Roumanie, mais le couple divorce alors que Claudia a 7 ans. En 1944, après l’invasion de la Hongrie par l’Allemagne, les biens de la famille sont saisis, le père de Claudia est arrêté et déporté à Dachau, où il disparaît. Claudia et sa mère réussissent à regagner la Suisse après une traversée épuisante de l’Europe. Ensuite, Claudia rejoint New York en 1946, où elle épouse Julio Andujar dont elle se séparera neuf mois plus tard, puis, en 1955, celle qui est devenue fonctionnaire des Nations unies et pratique activement une peinture abstraite rend visite à sa mère au Brésil. Et elle décide de s’installer à Sao Paulo, où elle réside et travaille toujours aujourd’hui.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #40, en kiosque et disponible ici.
Claudia Andujar, La lutte Yanomami
Du 30 janvier au 10 mai 2020
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261, boulevard Raspail à Paris (14e)
© Claudia Andujar