Combler le vide de nos pensées

15 juin 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Combler le vide de nos pensées

Dans Mind the Gap, Joshua Lutz étudie notre attachement au chaos. En mélangeant textes et photographies, l’artiste tente de donner du sens à ces situations dramatiques du quotidien. Un livre mordant aux récits multiples.

« J’ai su que je voulais devenir photographe lorsque j’ai réalisé que je préférais observer le système, plutôt que d’y prendre part ».

Joshua Lutz, photographe américain, s’applique à décrypter le monde qui l’entoure. Dans Mind the Gap, l’artiste réunit textes et images afin d’illustrer le chaos ambiant qui compose l’être humain. Pensés comme des variations, où se mélangent cynisme, nostalgie et exercices de style, ses écrits complimentent des clichés froids, évoquant des déserts urbains. « Ils accompagnent les différentes photographies, qu’elles proviennent d’une approche documentaire ou représentent des natures mortes », explique l’artiste.

Dans cet ouvrage, Joshua Lutz s’amuse. En quelques lignes, sa plume lance différents récits, et dépeint de multiples personnages, tous aussi troublants qu’énigmatiques. Le titre même de l’ouvrage provient d’un jeu de mots qui « attire » le photographe. « L’expression peut pointer du doigt le centre de l’action, et elle peut également symboliser un avertissement, l’approche d’un danger », ajoute-t-il. « Mais j’étais particulièrement attiré par une autre définition : celle d’un « vide » entre nos pensées. Peut-être que ce gap est finalement un portail menant vers une meilleure compréhension du monde ». Du texte à l’image, ces vides sont visibles, et poussent le lecteur à tisser des liens invisibles entre les pages.

Essayer d’ordonner le chaos

Si Mind the Gap est aujourd’hui un livre, le photographe a commencé son projet dans un chaos familier. « Je ne pensais pas au format, mais plutôt aux idées », confie-t-il. Des idées qu’il pose dans un journal et qu’il organise à la manière d’une série photographique. « J’ai commencé à prendre des photos et à les placer dans des boîtes », explique Joshua. « Finalement, j’en ai gardé une, qui s’est transformée en livre ». Sa narration, libre et instable, progresse au fil du récit, entre mots et clichés, et culmine à l’approche des dernières pages. Elle propose un voyage vers la clarté, et tente d’ordonner le chaos environnant. « Le problème n’est pas le chaos », précise le photographe. « Le problème est notre attachement au chaos ». Les images de Joshua présentent un monde détaché et artificiel, aux tons monochromes. Dans chaque cliché la symétrie domine et révèle un univers faussement ordonné. À leurs côtés, les textes traitent de désespoir, de folie et de secrets, et révèlent l’envers du décor. « Vous pouvez interpréter ces mots comme des révélations ou des instants de profonde confusion. Dans tous les cas, ils se mélangent au bruit et deviennent des vides que je veux combler » conclut le photographe. Un ouvrage qui pousse à la réflexion.

© Joshua Lutz
Bonjour
© Joshua Lutz
Kanien’ KeHa: Ka Plaza
© Joshua Lutz
Here We Will Learn
© Joshua Lutz
GBFD, Levy
© Joshua Lutz
The Undertaker
© Joshua Lutz
Bedford Police
© Joshua Lutz
Thomas L. Neilan & Sons
© Joshua Lutz
Pray For Orlando
© Joshua Lutz
Conscious Found
© Joshua Lutz
Blood Of The Lamb

© Joshua Lutz

Mind the Gap, Éditions Schilt Publishing, 45 €, 160 p. 

Explorez
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
© Taras Bychko
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
Dans Where Paths Meet, Taras Bychko compose un patchwork d’instantanés et d’émotions pour définir les contours de l’émigration. Pour ce...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d'hôtel : dans la photothèque d'Éloïse Labarbe-Lafon
Diane et Luna, 2023 © Eloïse Labarbe-Lafon
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d’hôtel : dans la photothèque d’Éloïse Labarbe-Lafon
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur...
12 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
© Kianuë Tran Kiêu
Kianuë Tran Kiêu : éclats de tendresse et narratives queers
Kianuë Tran Kiêu fait de l’art un espace de connexion et de transmission où la vulnérabilité devient une force. Chaque projet est une...
24 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
© Nick Prideaux
Saint-Valentin : les photographes de Fisheye montrent d’autres visions de l’amour
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter, par le biais des images, les préoccupations de notre époque. Parmi les thématiques...
14 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
camerAmore : TIPA célèbre les photographes et leur outil
© Vurzie Kim
camerAmore : TIPA célèbre les photographes et leur outil
La TIPA (Technical Image Press Association), dont fait partie Fisheye, a le plaisir d’annoncer les lauréat·es de son concours de...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
L’exposition Nouvelles Reines face à la houle de l’extrême droite
Nouvelles Reines © Sandra Reinflet
L’exposition Nouvelles Reines face à la houle de l’extrême droite
Depuis quelques jours, l’exposition Nouvelles Reines de la photographe Sandra Reinflet, installée depuis le 19 septembre 2024 – et en...
14 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Ocre : Maxime Antony tisse une mode picturale
© Maxime Antony
Ocre : Maxime Antony tisse une mode picturale
Dans un monde où l’image est souvent éphémère, Maxime Antony nous invite à ralentir. Avec sa série Ocre, le photographe compose un rêve...
14 mars 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
L'IA au service de la photographie de mode : chronique d'un outil créatif
Venus in braces (牙套中的维纳斯) © Nemo Chen
L’IA au service de la photographie de mode : chronique d’un outil créatif
L’intelligence artificielle révolutionne l’industrie de la mode, et par extension nos habitudes de consommation des images. Les artistes...
14 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger