Corps en attente

07 novembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Corps en attente

Lauréat à l’unanimité du tremplin Jeunes Talents de Planche(s) Contact, Chau-Cuong Lê dévoile, à travers Staring at the sea, standing on the beach, une fiction sublime, mettant en scène l’adolescence.

Si la photographie ne s’est pas imposée naturellement à Chau-Cuong Lê, elle l’a conquis lentement, en l’accompagnant au fil des années. Après avoir suivi un parcours académique classique, l’artiste intègre l’École des Métiers de l’Information, en photojournalisme, et fonde le collectif BaSoH, centré autour de thématiques sociales. Une aventure qui durera jusqu’en 2009. Il entre ensuite au studio Rouchon, dédié à la mode. Là-bas il apprend à dompter la lumière « artificielle » ainsi qu’une démarche nouvelle. « Aujourd’hui, ma photographie est un mélange de ces deux expériences : j’aime la lumière naturelle, mais je suis moins dans l’urgence que peut incarner le reportage. Je pose un regard documentaire ou interrogatif sur des questionnements personnels », précise-t-il.

Finaliste du Tremplin Jeunes Talents de Planche(s) Contact 2019, le photographe a effectué une résidence de trois semaines à Deauville, en espérant pouvoir aborder le thème de la jeunesse dans cette ville littorale, tout en gardant son esthétique particulière : « Je construis mon travail en mosaïque. J’associe mes images sous forme de diptyque, ou triptyque, en mélangeant noir et blanc et couleur. Une narration se dégage alors de ce nuage d’images », confie-t-il. Dans Staring at the sea, standing on the beach, l’artiste capture des adolescents dans un minimalisme voluptueux, une langueur intrigante.

© Chau-Cuong Lê

Une réalité fantasmée

« Nous étions en hiver, sous la pluie, personne dans les rues. Je me suis demandé comment vivaient les jeunes dans un tel endroit, au cœur d’une ville balnéaire, à l’histoire glorieuse et clinquante, désertée en arrière-saison »,

se souvient Chau-Cuong Lê. Après avoir rencontré un groupe de garçons sur un terrain de basket, l’auteur a lancé un appel à participations dans un lycée. « J’ai ensuite mélangé les jeunes entre eux. Un dialogue s’est mis en place, sur le moment, en fonction de l’inspiration », ajoute-t-il. Dans un univers aux tons pastel et métalliques, l’auteur, inspiré par les univers cinématographiques de Gus Van Sant, Jim Jarmush ou encore Hal Hartley, fait évoluer ses modèles dans des mises en scène étudiées. Un récit fictionnel évoquant une réalité fantasmée.

« Je pense qu’on peut passer son adolescence dans la douceur, sans pour autant tomber dans la mièvrerie. La vie passe. On l’attend. Une attente empreinte de poésie accidentelle, de sensualité oisive », raconte-t-il. Les gris tendres des clichés semblent renvoyer à un entre-deux, cette frontière entre l’enfance et l’âge adulte. Au cœur de la palette de Chau-Cuong Lê, les jeunes se prélassent sous un soleil timide, dans une quête sensorielle de l’autre, et de soi. « C’est aussi le gris de l’hiver, pluvieux et terne, de ce bitume délavé en bord de mer », rappelle-t-il. Sans chercher à donner un sens à la vie des résidents de Deauville, le photographe tisse une histoire contemporaine, faite de rencontres et d’affection, d’ennui et d’espoir. Un monde en transition, illustré par les corps, dynamique ou paresseux, envahissant ce paysage décoloré.

© Chau-Cuong Lê© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê

© Chau-Cuong Lê

Explorez
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
© Grade Solomon
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
Grâce à l'impression risographie, Grade Solomon raconte les formes de vie et les états d’âme dans ce qu’ils ont de familier et de...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Milena III
Kincső Bede : Déshéritée
© Kincső Bede
Kincső Bede : Déshéritée
Dans son livre Porcelain and Wool, Kincső Bede se réapproprie son identité transverse par des objets, des lieux et des tissus de la...
04 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
© Grade Solomon
Twist : les basculements du regard de Grade Solomon
Grâce à l'impression risographie, Grade Solomon raconte les formes de vie et les états d’âme dans ce qu’ils ont de familier et de...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Milena III
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
© Melchior Dias Santos / Instagram
La sélection Instagram #536 : perceptions altérées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’amusent à déformer leurs images. Ils et elles jouent avec le flou, la...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
© Carla Rossi
Les images de la semaine du 1er décembre 2025 : surface et profondeur
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes publiés sur les pages de Fisheye s’intéressent autant à la surface qu’à la...
07 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet