Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Compte Instagram spécialisé dans le meme comptabilisant plus de 170 000 abonnés, Couturfu a la côte. Rencontre avec sa créatrice, mêlant avec brio photographie de mode et humour désopilant.
« Couturfu est né entouré de quelques amis, sur un bout de comptoir. Évoluant toutes et tous dans l’industrie de la mode et de l’image, nous avions pris l’habitude d’échanger nos humeurs et mésaventures (extra)professionnelles par le biais de photos de magazines et de défilés légendées »,
confie la fondatrice de Couturfu – anciennement Vogueturfu – compte Instagram anonyme partageant des memes inspirés par la photographie de mode. Son crédo ? Dépeindre le quotidien « d’une génération de jeunes adultes dont le principal objectif de vie pour 2021 est de profiter d’un happy hour en terrasse ». C’est avec un humour corrosif – mais toujours juste – que la mystérieuse autrice dépeint les déboires amoureux comme professionnels des millenials. Un besoin de rire de ses propres maladresses, de ses propres défauts qui a conquis les utilisateurs du réseau social : lancé en septembre 2018, le compte cumule aujourd’hui plus de 170 000 abonnés.
Tout est vrai
« Comme le dit très justement l’adage, “with great power come great responsibilities”
, commente sa créatrice. S’adresser à une audience de plus en plus large implique de peser chacun de ses mots. La bienveillance doit impérativement rester une ligne de conduite. Je ne m’interdis aucun sujet, mais je veille à en parler avec empathie. Si l’on traite du mal-être au travail, il est nécessaire de réfléchir à notre point de vue, afin de ne jamais tomber dans la trivialisation, ou la complaisance envers des comportements toxiques. » Terreur des stagiaires, éternelle retardataire, workaholic fatiguée de ne plus avoir de vie sociale, jeune femme en déprime à cause de la pandémie… L’« icône » Couturfu plaît grâce à ses imperfections, ses bizarreries qui parlent au monde entier. Un date décevant ? Une envie de procrastination irrépressible ? Une incompréhension totale des codes de séduction ? Couturfu démystifie les petits malheurs de la vie par l’humour et le cynisme. Parce que l’autodérision est le meilleur moyen de remonter la pente. « Tout. Est. Vrai », précise d’ailleurs l’autrice, qui passe plusieurs heures par jour à formuler les blagues qu’elle publie sur Instagram. « Mon “vrai” métier est d’ailleurs primordial, car il m’offre l’inspiration nécessaire pour les situations que j’illustre, les thématiques que j’aborde : le monde professionnel, la vie amoureuse (ou son inexistence), les sorties entre ami.e.s (ou leur manque) ».
À quoi sert vraiment l’image ?
L’univers de la mode est au cœur de chaque création. Chinées directement sur Instagram « qui regorge d’un flux continu de contenus potentiels », les images proviennent toutes des galeries numériques de magazines, marques, maisons de couture, stylistes ou encore mannequins. Des œuvres reflétant l’imagination sans borne de leurs créateurs. C’est justement cette inventivité qui inspire Couturfu. La représentation des corps, des matériaux, souvent insolites. Les codes de beauté sublimés ou bousculés. « La photographie de mode est fascinante à tous les niveaux : à produire, à consommer, ou à étudier. Elle a toujours navigué aux frontières de l’art et du commerce. Cette ambivalence mène parfois à des concepts et des créations alambiquées, voire peu crédibles. C’est ce point de rupture qui m’intéresse : à quoi sert vraiment l’image ? Au photographe, au modèle ou au vêtement ? », ajoute-t-elle.
Pour l’Instagrameuse, l’humour est un moyen unique de tisser des liens entre le luxe et l’ordinaire, de relier l’esthétique au populaire. Couplé à la splendeur des visuels, il permet d’attirer le regard, et même de guider les abonnés vers des sujets plus sérieux « comme les relations hommes-femmes, la hiérarchie, la santé mentale. J’aime croire que mes memes sont des sortes de miroirs que l’on choisit de diriger vers les autres ou sur soi », précise-t-elle. Une manière, également, de faire découvrir à son public des artistes émergents, puisque Couturfu crédite toujours les différentes personnes ayant participé à la création des images postées. Et si aujourd’hui la créatrice se considère comme « une pirate de l’image et hackeuse de la photo », elle entend mettre son don au profit des auteurs. « Je voudrais renvoyer l’ascenseur aux créatifs que je “pille”. Proposer de la visibilité à de jeunes talents, à travers une carte blanche, un takeover, ou une collaboration, par exemple », confie-t-elle. Hilarant, décomplexé, Couturfu propose une véritable relecture de la photographie de mode. Un concept ancré dans notre époque, donnant à voir – toujours avec élégance – les inepties de notre quotidien.
© Couturfu