« J’ai essayé de trouver de la confiance dans un endroit où elle semblait impossible. C’était mon but. »
Cette semaine, plongée dans l’œil de Bieke Depoorter. Exposée jusqu’au 16 décembre prochain aux côtés de onze autres femmes photographes de l’agence Magnum, au Hangar de Bruxelles, l’artiste belge présente As It May Be, résultat de plusieurs années de voyage en Égypte, où elle a tenté de capturer l’intimité des familles dans leur propre foyer. Pour Fisheye, elle revient sur l’une des images marquantes de son projet.
« En 2012, au cours des soulèvements sociaux, j’ai été invitée à aller en Égypte pour prendre des photos. J’ai finalement décidé de ne pas me concentrer sur ces derniers. À la place de cela, j’ai demandé à des habitant·es de m’accueillir chez eux pour une nuit. C’est ainsi que je suis entrée au cœur de leur intimité. Mais il y avait toujours ce voile qui cachait ce qu’on ne voulait pas me montrer en tant que personne de l’extérieur. Il y avait des raisons religieuses pour lesquelles ils ne voulaient pas être photographiés, mais c’était aussi à cause de la révolution. J’ai commencé à devenir très curieuse. J’ai essayé de trouver de la confiance dans un endroit où elle semblait impossible. C’était mon but. C’est devenu de plus en plus dur. Cette image, prise à Bani Murr (ville en Égypte, NDLR) en mars 2016 est pour moi l’expression d’un moment où je me suis mise à douter de ce projet. Je me demandais : Est-ce qu’il est vraiment correct de publier ces photographies ? Est-ce qu’elles ne sont pas empreintes de mon regard d’Occidentale ? C’était le matin tôt, il faisait sombre, c’est une des dernières images que j’ai prises en Égypte. Pourtant, on m’a fait remarquer plus tard que la jeune femme souriait. En-dessous de l’image, on peut lire cette phrase – que j’ai écrite à ce moment-là : “Tu as vécu un moment, une heure ou deux ou une nuit. Juste une photo. Mais tu n’as pas vécu la vie que montre la photo.” »