Dans l’œil de Francesca Hummler : sang divin et bisexualité

14 octobre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil de Francesca Hummler : sang divin et bisexualité
© Francesca Hummler. And Jesus Wept, de la série Rituals
FrancescaHummler
Photographe
« Le sang sur cette photographie n’est pas seulement une métaphore de la souffrance, mais représente aussi la douleur que je ressens à cacher qui je suis réellement. »

Aujourd’hui, plongée — littérale — dans l’œil de Francesca Hummler. Alors que sa bisexualité dérange son entourage et son Église, la photographe s’attache à se défaire des carcans religieux qui constituent ce que doit être la foi à travers l’outil photographique. Le liquide vermeil qui coule dans ses veines devient l’allégorie d’un retour sain à sa croyance. Pour Fisheye, elle revient sur la première image de son parcours thérapeutique vers sa propre définition de la foi.

« J’ai grandi dans une famille protestante, où ma bisexualité est, aujourd’hui encore, considérée comme un pêché et une contradiction à la “pureté” que je suis censée incarner en tant que femme. “And Jesus Wept” (“Et Jésus Pleura” en français, ndlr) est un autoportrait où du sang coule de mon œil droit. Il s’agit d’une référence à Jésus suant du sang dans le jardin de Gethsémani avant la crucifixion. Cela fait écho au conflit que j’ai ressenti entre ma foi et l’emprise écrasante de l’Église sur ma sexualité lorsque j’étais adolescente. Cette image était la première de ma série Rituals, même si au moment de la prise de vue, je n’en étais pas encore consciente. Le sang sur cette photographie n’est pas seulement une métaphore de la souffrance, mais représente aussi la douleur que je ressens à cacher qui je suis réellement. 

La photographie devient alors thérapeutique. J’affronte les contraintes dans lesquelles j’ai été élevée – les rôles de genre, les règles, la honte. Je crois toujours en Dieu, mais pas dans le Dieu que l’Église m’a transmis. Pas dans celui qui exige que je m’efface. Je me sers de ce médium pour me défendre, pour remodeler les symboles qui ont été utilisés pour m’opprimer. Je me questionne : Que signifie la foi pour moi aujourd’hui après des années d’assujettissement ? Pour y répondre, je m’attache à suivre dix commandements dans ma pratique photographique : 

  • Tu n’hésiteras pas devant la caméra.
  • Tu n’idolâtreras pas la peur.
  • Tu ne maudiras pas ta propre vérité.
  • N‘oublie pas de remettre en question ce qui est sacré.
  • Honore et chéris l’amour sous toutes ses formes.
  • Tu ne feras pas de mal par la photographie.
  • Tu résisteras à l’oppression.
  • Tu embrasseras la dualité et trouveras la joie.
  • Tu joueras avec humour.
  • Tu découvriras le sacré à travers les images. »
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