« Cette image nous évoque aujourd’hui tout un imaginaire sacré de protection et d’enracinement. »
Cette semaine, plongée dans l’œil d’Igor Furtado. Le photographe célèbre la beauté des communautés LGBTQIA+ brésiliennes, toujours en proie à des discriminations majeures dans tout le pays. Ses mises en scène ludiques et politiques sont pensées en collaboration avec l’artiste Labō Young, qui imagine des tenues sculpturales à partir d’éléments de la forêt. Pour Fisheye, il revient sur l’une d’elles.
J’ai rencontré Labō Young pour la première fois sur Instagram, vers 2016. Nous avons commencé à nous envoyer des messages et nous nous sommes rapidement liés d’amitié grâce à nos intérêts similaires pour la mode et la musique. Un an plus tard, nous nous sommes rencontrés en personne à Belém, au nord du Brésil. Depuis le départ, nous créons des images et des récits ensemble, mais notre approche change à chaque fois. Comme nous vivons à plus de 3 000 km l’un de l’autre, nous avons développé nos carrières séparément, et avons passé des années à échanger des idées et des rêves virtuellement. Nous n’avons pu les mettre en pratique qu’en 2020, lorsque Labō Young est venu pour la première fois dans ma ville natale, Rio de Janeiro. Au cours de l’une de ces nuits, nous sommes allés ramasser des plantes et avons réfléchi aux nombreuses façons dont il pourrait les transformer en tenues et accessoires. Le lendemain, nous avons invité l’artiste et amie Cassie Capeta à poser pour nous.
Nos photographies ont toujours été très intuitives. Nous avons généralement une direction, mais aucune certitude sur la manière, le lieu ou le moment où elles verront le jour. Ce jour-là, après avoir fait un premier shooting dans un cadre naturel, nous avons trouvé un chantier de construction avec des murs vierges et des tas de sable. Nous avons demandé à Cassie de se tenir en équilibre sur les briques, en les utilisant comme s’il s’agissait de talons. Elle portait un dragonnier en guise d’accessoire sur sa tête et des fils tissés transformés en robe. Cassie est restée dans cette position pendant de longues minutes, même si elle était difficile à tenir. Cette image nous évoque aujourd’hui tout un imaginaire sacré de protection et d’enracinement. La série à laquelle elle appartient a ensuite été publiée par Vogue sous le nom de Corpo Trópico, une tentative de concevoir d’autres significations pour dire la tropicalité et diffuser de nouvelles manières de s’exprimer. Elle nous a ouvert de nombreuses voies surprenantes, comme la possibilité de développer notre projet actuel, soit un vaste ensemble de travaux qui ont pour sujet essentiel les plantes et les ressources naturelles.