Dance Theatre after Pina Bausch : le ballet d’émotions de Valéria Quinci

09 mai 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dance Theatre after Pina Bausch : le ballet d’émotions de Valéria Quinci
© Valéria Quinci / Compagnie Vid(e)a, performeur·ses: Arya Pegaz, Layra Rodrigues, Ludivine Vauthier, Mathie Puglisi
© Valéria Quinci

C’est durant les répétitions d’une compagnie de danse que Valéria Quinci réalise Dance Theatre after Pina Bausch. Un hommage en noir et blanc à la grande chorégraphe, et à sa capacité à traduire les états d’âme en mouvements.

« Ce qui a le plus marqué ma jeunesse ? Les étés passés à Ráckeve, d’où ma famille paternelle est originaire, au bord d’un Danube bordé de saules pleureurs. Les habitant·es de cette petite ville étaient plus éclectiques : famille de pêcheur·ses, artisan·es, musicien·nes, peintres, sculpteurices… Je ressens toujours l’âme de cet endroit quand j’y rentre », confie Valéria Quinci. Un écrin d’émotions qu’elle garde à l’esprit, comme un phare lui indiquant une direction créative. Un rappel de laisser la beauté ou la grâce d’un instant guider sa prise de vue. Son diplôme en commerce en poche, l’artiste hongroise débute une carrière dans le marketing international à Budapest, avant d’emménager à l’étranger. Cinq pays visités plus tard, elle s’installe en France, où la naissance de ses enfants pose un dilemme nouveau : « reprendre une recherche d’emploi – qui peut s’avérer particulièrement longue – ou prendre mon courage à deux mains et me mettre à mon compte », raconte-t-elle.

Passionnée par le médium photographique, elle trouve dans l’image un terrain d’apprentissage sans limites, un outil lui permettant de se remettre en cause, d’évoluer. À travers l’image, c’est sa sensibilité instinctive, celle qui ancre dans son imaginaire les paysages de son enfance, qui émerge. Une palette de nuances mêlant « l’authenticité, la pureté, le courage, les moments de peine ou de joie – en bref, les ressentis de la condition humaine », déclare l’autrice.

© Valéria Quinci
© Valéria Quinci

Le dialogue des corps

Autant d’états d’âme qui guident ses collaborations et leur donnent forme. C’est lors d’un shooting pour la compagnie de Layra Rodriguez que Valéria Quinci compose Dance Theatre after Pina Bausch. Une série d’images monochromes où les corps deviennent des formes spectrales aux mouvements flous. D’une arabesque, les jambes, les ports de bras s’effacent, laissant dans l’air des vagues aux couleurs de peaux, comme l’incarnation fanée d’une présence éphémère. Loin de se contenter de capturer la réalité des répétitions, la photographe rend hommage à une expression corporelle qui la fascine. « Avec la danse, on peut sentir, et faire sentir sans avoir recours aux mots. C’est profond. C’est pur. C’est sans superflu », précise-t-elle.

À l’instar de Pina Bausch dont elle admire la capacité à « créer un lien profond avec les danseur·ses », la manière « dont les émotions sont tirées du mouvement en revivant les souvenirs et le vécu personnel de chaque performeur·se pour créer des pièces de danse-théâtre authentique », Valéria Quinci s’échappe du tangible pour venir décrocher l’énergie vive née du dialogue des corps. Figures fantomatiques figées dans une embrassade, dos cambrés, doigts tendus vers l’invisible… Alternant le brouillard et la netteté, la douceur du vaporeux et le contrastes brusques – celui des bras sur le fond noir, celui des projecteurs qui inondent la scène d’une lumière dichotomique – la photographe s’affranchit de la réalité. Face à son objectif, l’entraînement, la fatigue, la recherche de la perfection s’estompent pour ne laisser place qu’à la sensation. Celle qui s’impose à nous, celle qui étouffe le bruit du reste pour n’en faire qu’un écho. Une belle manière de « donner plus d’amplitude émotionnelle [à la scène] et toucher la frontière du surréel », conclut l’autrice.

© Valéria Quinci

© Valéria Quinci

© Valéria Quinci
À lire aussi
Babette Mangolte, star du hors-série Fisheye, en collaboration avec Women in Motion
Babette Mangolte, star du hors-série Fisheye, en collaboration avec Women in Motion
En collaboration avec Women In Motion, programme initié par Kering, Fisheye publie son dernier hors-série, dédié à Babette Mangolte…
06 juillet 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Carnet de balles
Carnet de balles
Bouleversé·es par la guerre en Ukraine, Felipe Jácome et Sveltana Onipko s’unissent pour réaliser Unbroken, un projet qui mêle danse…
06 octobre 2022   •  
Écrit par Eric Karsenty
Explorez
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
Jennifer et Saba, de la série We're Just Trying to Learn How to Love © Hamza Ashraf
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous vous parlons de différentes communautés, de sentiments amoureux et de rétrospectives...
02 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Du cauchemar aux monstres : des séries photo pour Halloween
© Diego Moreno, ABISMOS, from the series Malign Influences, 2020
Du cauchemar aux monstres : des séries photo pour Halloween
Des peurs les plus enfouies aux allégories d'une minorité opprimée, des croyances étranges aux expérimentations en chambre noire pour...
31 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Peinture, coulée d'or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Zoé Bleu Arquette. Une nuit étoilée, 2025 © Rose Mihman
Peinture, coulée d’or et sculpture : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici proposent de découvrir la photographie à travers différentes techniques...
29 octobre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
© Ana da Silva
Les coups de cœur #564 : Lycien-David Cséry et Ana da Silva
Lycien-David Cséry et Ana da Silva, nos coups de cœur de la semaine, prêtent attention aux détails. Le premier observe les objets et les...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
Jennifer et Saba, de la série We're Just Trying to Learn How to Love © Hamza Ashraf
Les images de la semaine du 27 octobre 2025 : communautés et rétrospectives
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous vous parlons de différentes communautés, de sentiments amoureux et de rétrospectives...
02 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
© Elise Jaunet
Elise Jaunet : quand l’intime devient manifeste
À travers sa série Faire corps – Journal d’une métamorphose, l’artiste nantaise Elise Jaunet explore la traversée du cancer du...
01 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas