Des pavés aux potagers, Arthur Perrin photographie la France qui lutte

28 novembre 2022   •  
Écrit par Pablo Patarin
Des pavés aux potagers, Arthur Perrin photographie la France qui lutte

Mobilisations antifascistes, modes de vie alternatifs et luttes écologistes constituent le portfolio d’Arthur Perrin. Ce jeune photographe évoque avec réalisme, élégance et humanité le monde qui l’entoure, fait de matraques, de lacrymogènes, mais aussi et surtout de valeurs et d’utopie.

Arthur Perrin

est tout juste diplômé. Pourtant, son écriture graphique est déjà affirmée. Ses sujets de prédilections ? Les milieux alternatifs et de contestation, qu’il documente avec un œil vif et curieux. Si le vosgien n’a que vingt ans, il fourmille déjà d’idées et d’idéaux : il photographie « des gens, des idées, des projets », au travers des êtres et des sujets sociaux, écologiques ou les deux à la fois. Il perçoit également le médium comme un moyen d’expression, de questionnement, voire de rébellion, qui l’aide à « rêver à quelque chose de différent ». Ses valeurs libertaires et écologistes l’amènent à s’intéresser aux communautés qui défendent d’autres modes de vie, d’autre visions du monde, et qui nourrissent l’espoir d’un monde anticapitaliste où le béton laisse place à une culture raisonnée.

Intrigué par la vidéo et la fiction durant ses années de lycée, Arthur Perrin commence dès lors à se tourner vers le médium photographique. Mais le passionné de cinéma n’abandonne pas pour autant son amour de la mise en scène et la création d’ambiances visuelles. Dans sa série Squat partout, il réalise des portraits enfumés de militants issus de Zones à Défendre (ZAD) et de squats, dans un noir et blanc dramatique. Peu à peu, sa quête de sens le happe. Son image s’épure. Le fictif laisse place au réel, sans que son goût de l’esthétique n’en soit affecté. Parmi ses influences dans la photographie documentaire, la singularité d’Agnès Varda le touche : « Ses œuvres, qui traitent de thématiques variées, sont toujours accompagnées d’une part de sa personnalité. Elle nous parle de ses sentiments personnels, nous montre ce qui la passionne et l’anime. » Parler des autres pour évoquer ses propres ressentis, telle est aussi l’ambition de l’auteur.

© Arthur Perrin

Autonomistes des villes, autonomistes des champs

Durant ses deux années lyonnaises, en parallèle de son BTS de photographie, Arthur se plonge dans la lutte des blacks-blocks lyonnais (terme générique employé pour désigner l’ensemble des membres de mouvements autonomistes et antifascistes, souvent anonymes car encapuchonnés ou masqués lors des manifestations, NDLR). Ses images en sortent carrées, monochromes, brutes. La fumée des lacrymogènes, naturelle cette fois, y est omniprésente. Le folklore des luttes anarchistes également, évoquant au spectateur un sentiment d’oppression ou de promiscuité avec les acteurs des mobilisations. « Dans le choix des sujets, il y a évidemment de moi. Je m’intéresse à des choses qui m’intriguent, qui me parlent, qui me questionnent. J’estime que personne n’est réellement objectif, et j’assume cela », exprime le jeune photographe, qui décrit d’ailleurs son écriture comme documentaire plus que propre aux normes du reportage : « Dans ma série, il n’y a pas de date ni de contexte des manifestations. C’est une série au long cours, issue de deux ans de terrain, quasiment tous les samedis de manif’. »

Plus récemment, après s’être rendu à la rencontre de permaculteurs – les agriculteurs qui fondent leur travail sur un système de culture évolutif s’inspirant des écosystèmes naturels – le photographe s’est lancé dans un projet documentaire symbolisant ses désirs, intitulé Défaire l’immonde, refaire le monde. Il y capture le retour à la terre et le lien social, au travers des ZAD et des écovillages de France – comme à Eotopia, en Saône-et-Loire. « C’est un travail long et ambitieux, mais c’est vers cela que je veux aller », précise-t-il. Si l’auteur a ici délaissé la fumée, les grosses lumières et les mises en scène cinématographiques, il utilise des techniques visuelles qui servent son propos : « je m’équipe souvent d’un diffuseur optique pour adoucir mes images. Cela donne un aspect rêveur et utopique », complète-t-il. Une esthétique onirique pour un sujet terre à terre.

Passionné des enjeux et stratégies de lutte, ainsi que par la construction d’autres modèles de société, le jeune photographe ne s’oublie pas lui-même. En parallèle de l’ensemble de ses audacieux projets, il réalise des séries d’images intimistes, traitant plus frontalement de sa personne, de son vécu et de ses sentiments : « on pourrait presque appeler ça du reportage introspectif », explique-t-il. Dans Dernières vacances avant d’être adulte, il  évoque sa propre peur de l’avenir, ses incertitudes et la pression du monde adulte, tout autant que ses joies et peines partagées avec ses ami.e.s, entre grands enfants.

© Arthur Perrin

© Arthur Perrin© Arthur Perrin

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© Arthur Perrin© Arthur Perrin

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© Arthur Perrin© Arthur Perrin

© Arthur Perrin

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© Arthur Perrin

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