« Diachronicles », l’histoire et le simulacre

24 octobre 2019   •  
Écrit par Julien Hory
« Diachronicles », l'histoire et le simulacre

Présentée à Paris Photo à l’occasion de la Carte blanche – Étudiants 2019, l’artiste sicilienne Giulia Parlato questionne notre rapport à la vérité. Sa série Diachroniles propose une mise en perspective de la photographie comme document irréfutable.

« Je suis fascinée par la dimension historique de l’image en tant que détentrice de la vérité. Mon travail tente de contester cette formulation en créant des espaces nouveaux propices à de fausses histoires. » Avec la série Diachronicles, l’artiste Giulia Parlato réalise un travail en profondeur sur la valeur d’authenticité du document photographique. Par ses recherches, menées en collaboration avec des scientifiques de renom, elle développe une quête sémiologique visuelle dans laquelle elle questionne le rôle des symboles dans la construction des identités et des croyances. Comme le laisse supposer le titre de cet ensemble, Diachronicles est également une recherche sur la construction du langage et son évolution dans le temps.

Avec ce travail, qui sera présenté pendant Paris Photo à l’occasion de la Carte blanche – Étudiant 2019, Giulia Parlato a poursuivi une démarche minutieuse, presque académique. Développé avec l’aide de conservateurs de musées, de responsables du patrimoine et d’archéologues, ce projet s’attache à une problématique importante : celle du faux et de la fiction dans le réel. « Je faisais des recherches aux archives photographiques de l’Institut Warburg (Londres), explique-t-elle. Quand je suis tombée sur la section des faux, j’ai commencé à réfléchir à la relation que l’histoire entretient avec la fiction. » La question de la contrefaçon devient alors centrale pour elle. Mais le fondement de son travail est la recherche perpétuelle des hommes à vouloir trouver leur passé dans la terre avec toute la mélancolie et la frustration que comporte l’échec.

© Giulia Parlato

Le faux est un moment du vrai

Le parti pris de Giulia Parlato pour traduire ce récit d’une quête est la fiction. « Je me concentre sur la mise en scène, confie-t-elle. Je pense que ça vient du fait que mon oncle est réalisateur de films et scénariste. Nous sommes vraiment proches et nous travaillons parfois ensemble. D’autre part, enfants, nous avions un jeu avec mon meilleur ami. Il était le réalisateur et sa sœur, mon frère et moi, ses acteurs. » Pour explorer ce dépassement de la réalité et la façon dont le passé peut être réinterprété, elle construit une esthétique intemporelle, minimaliste dans un style archiviste. En documentant des fouilles archéologiques dans le centre de la Sicile, Giulia Parlato a beaucoup appris sur les processus de recherches et les a réutilisés pour ses besoins personnels et pour mettre en place son récit.

En contextualisant ses prises de vue, les Diachronicles de l’artiste italienne brouillent les pistes. Bien qu’elle considère sa démarche à la fois historique et expérimentale, dans ses images, le temps se suspend et les traces qui, croit-on, se révèlent, ne délivrent qu’une histoire imaginaire. À moins que, si « dans le monde réellement renversé, le faux est un moment du vrai » (Guy Debord, La société du spectacle, 1967), nous puissions nous demander en quoi cette histoire serait moins légitime que celle qui apparaît dans les livres. À une époque où notre rapport à la vérité interroge, où l’identité européenne est au cœur des débats, l’œuvre de Giulia Parlato affirme sa contemporanéité.

© Giulia Parlato

© Giulia Parlato© Giulia Parlato

© Giulia Parlato

© Giulia Parlato© Giulia Parlato

© Giulia Parlato

© Giulia Parlato

Explorez
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
© Guénaëlle de Carbonnières
Guénaëlle de Carbonnières : creuser dans les archives
À la suite d’une résidence aux Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières a imaginé Dans le creux des images. Présentée jusqu’au...
11 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
© Bastien Bilheux
Les coups de cœur #568 : Bastien Bilheux et Thao-Ly
Bastien Bilheux et Thao-Ly, nos coups de cœur de la semaine, vous plongent dans deux récits différents qui ont en commun un aspect...
08 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Dörte Eißfeldt, lauréate du prix Viviane Esders 2025
© Dörte Eißfeldt
Dörte Eißfeldt, lauréate du prix Viviane Esders 2025
Dörte Eißfeldt reçoit le prix Viviane Esders 2025 pour une œuvre qui repousse les frontières du médium, alliant rigueur conceptuelle et...
06 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Grégoire Beraud et les terres colorées de l'Amazonie
Kipatsi © Grégoire Beraud
Grégoire Beraud et les terres colorées de l’Amazonie
Dans sa série Kípatsi, réalisée dans l’Amazonie péruvienne, Grégoire Beraud met en lumière la communauté Matsigenka, sa relation à la...
13 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
© Sarah van Rij
À la MEP, les échos de vie urbaine de Sarah van Rij
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes....
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Julie Jones © Agnès Geoffray
Julie Jones est nommée directrice de la Maison européenne de la photographie
Le conseil d’administration de la Maison européenne de la photographie vient de révéler le nom de sa nouvelle directrice : il s’agit de...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
© Boby
4 livres photo, signés Fisheye Éditions, à (s’)offrir à Noël
Offrir un ouvrage à Noël est toujours une belle manière d’ouvrir des portes sur de nouveaux univers. À cet effet, nous avons...
12 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet