Dans Hacemos nuestro río, un projet à plusieurs voix, Dolores Medel nous offre un voyage onirique sur les berges du fleuve Papaloapa au Mexique. Une évasion au cœur d’une nature rassurante, foyer de petits bonheurs et témoin de grandes évolutions personnelles.
Là, sur les bords du Papaloapa, le calme est plat, les nuages et la végétation environnante paraissent se déposer sur l’eau, créant sur cette dernière un reflet envoûtant. C’est sur ce même fleuve, l’un des plus grands et des plus célèbres du Mexique que Dolores Medel s’est penchée afin de réaliser Hacemos nuestro río, un projet collaboratif faisant dialoguer plusieurs photographes, auteurices et artistes pluridisciplinaires. « Les photos ont été prises par Enero y Abril et moi-même, celles que je présente ici sont les miennes, et les poèmes sont d’Adolfo Córdova, ainsi que les illustrations de Cuauhtémoc Wetzka. À l’origine, il s’agissait d’une idée de la conservatrice Catalina Pérez Meléndez, tournant autour de la relation qui s’établit entre l’enfance et le fleuve Papaloapan, qui en nahuatl (langue amérindienne parlée au Mexique) signifie “fleuve des papillons”», explique-t-elle.
Ayant commencé la photographie à l’âge de 17 ans aux côtés d’un photographe de sa ville natale, Dolores Medel obtient quelques années plus tard un diplôme en communication et se lance dans un cursus photographique au Centro de la Imagen à Mexico ainsi qu’au San Agustin Arts Center, à Oaxaca. Aujourd’hui, l’artiste articule son travail documentaire et plasticien autour de thématiques diverses mais interconnectées : l’histoire de l’Amérique latine, les émotions humaines, les histoires de filiation, ainsi que la mer et ce qu’elle implique en termes de migration, d’identité et de conservation. En accord avec ses valeurs artistiques, elle a alors contribué à proposer ce récit visuel d’un territoire en flottaison.
Voyage au bord de l’insouciance
« Nous souhaitions proposer une sorte de voyage le long des berges de la rivière. Nous avons visité plusieurs des villes qu’elle traverse et nous avons rencontré des garçons et des filles de tous âges qui y vivent et se souviennent de leurs aventures sur la rivière », explique-t-elle. À mesure de ses rencontres, elle capte les visages des jeunes habitant·es, les laisse prendre part au processus créatif, en leur proposant de colorier sur ses images imprimées en noir et blanc. Portraits et horizons se mélangent, et les couleurs qui parent les photos révèlent des perceptions nouvelles du fleuve. Dans cet univers mêlant les saisons, les nuances d’un environnement salvateur, d’une enfance heureuse ou parfois aride, c’est toute la sensibilité de Dolores Medel qui se lit. « Mon monde visuel est parfois un peu chaotique, mais la plupart du temps, il est plutôt calme et introverti. Je suis très solitaire et j’ai besoin d’espace et de temps pour réfléchir et me détendre, ce qui me permet ensuite de me plonger pleinement dans le travail. Dans mes projets, j’essaie de créer un espace artistique qui implique les choses qui me fascinent et qui m’effraient également : l’océan, le passé, le voyage dans le temps, la possibilité de changer/fictionnaliser des histoires à travers mes photos, de matérialiser des images que je vois dans mes rêves. Connaître ma famille et donc mon identité, connaître leur monde et leurs souvenirs ».
À travers les pas, et la voix des jeunes gens qu’elle côtoie, une histoire douce se construit. Elle n’est plus le fruit d’une expérience subjective, mais frôle les océans de l’universel. Si elle appartient à tous les enfants qui bordent le fleuve, le découvre, y jouent, déposent leurs cris, pleurs, rires et larmes, c’est surtout l’histoire d’un fleuve qui coule, circule, s’enfuit et se recycle pour irriguer la vie.