Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. Il n’est pas cosplayer et pourtant depuis 2016, le photographe italien Filippo Trojano a fait du Cosplay son terrain de jeux. Immersion dans un univers coloré où chacun trouve son rôle.
« Depuis que je suis enfant, je suis fasciné par les arts visuels, et le cinéma en particulier. J’ai d’ailleurs participé à quelques courts métrages en tant qu’acteur. La photographie est un moyen d’inventer des histoires, que je conçois toujours comme des mises en scène. Ma mère est peintre et professeur en restauration, l’art m’a accompagné dès les premières années donc, annonce Filippo Trojano, un photographe et professeur de 42 ans installé à Rome. Enfant, je me souviens avoir passé de nombreuses heures à écouter des disques de 33 tours en regardant les pochettes et les photos ». Un détail qui a toute son importance, car l’artiste conçoit le 8e art comme une « pause musicale ». « Je m’interroge depuis longtemps sur la capacité qu’ont les gens à se projeter dans les images. Je revois par exemple ma grand-mère embrasser des photos de son mari ou de ses parents décédés avant de se coucher. J’ai poursuivi cette réflexion au fil de ma pratique photo. » Observer la relation à l’image n’est pour lui qu’un prétexte pour analyser la relation à l’autre.
Un écho à ces rites d’antan
En 2016, alors qu’il se rend à Rome, il aperçoit un garçon déguisé en vache au milieu de son wagon de train. « Celui-ci parlait avec un ami assis devant lui, et toutes les personnes autour poursuivaient leurs activités, comme si de rien n’était ». Cette première image en a amené bien d’autres. Leur point commun ? Le Cosplay. « En Italie, la mode du Cosplay s’est fortement développée ses dix dernières années, notamment grâce à deux foires de la bande dessinée qui se tiennent à Lucques, et à Rome ». Deux événements qui, chaque année, drainent argent et visiteurs. « Il s’agissait au départ d’un secteur masculin, mais depuis quelques années, les filles intègrent cet univers », précise le photographe. Fasciné depuis toujours par les masques, et leur usage, l’artiste amorce un travail dans le temps. « Dès l’âge primitif, les masques existaient. C’est comme si, aujourd’hui, le Cosplay faisait écho à ces rites d’antan.»
Avec Cosplay, il livre une réflexion sur le sens et l’utilisation du masque à notre époque, et s’interroge in fine sur le rapport que nous entretenons avec la réalité. Que gardons-nous des personnages ayant bercé notre enfance ? Que devient le héros sorti de l’écran ou de la bande dessinée ? « J’entrevois un étrange paradoxe. Si le masque permet d’échapper à la réalité, il est aussi un ancrage dans la société : en se montrant, on se révèle au monde », commente-t-il. Qui se cache donc derrière le costume de Batman ou Spiderman ? De grands enfants naïfs, des adultes timides ou des individus à l’égo sur-développé ? Une chose est certaine, dans la vie quotidienne, nombreux sont ceux qui jouent un rôle. « Pourtant, la vie n’est pas un spectacle », déplore Filippo Trojano. Il reste néanmoins optimiste, et affirme comme Oscar Wilde : « « Donnez-lui un masque et il dira la vérité ». Je pense que chaque déguisement fait ressurgir notre “moi” profond – un choix qui n’est d’ailleurs jamais fait au hasard. » Qu’il se focalise sur l’humanité des héros, ou qu’il dresse des portraits ironiques, Filippo Trojano ne cherche que partiellement à faire tomber les masques. « Aujourd’hui, je ne pense pas en porter, mails il est certain que j’en avais un dans le passé ». Il signe avec Cosplay une histoire personnelle, avant tout.
© Fillippo Trojano