En immersion chez les catcheurs de Kinshasa

29 avril 2016   •  
Écrit par Fisheye Magazine
En immersion chez les catcheurs de Kinshasa
Colin Delfosse, 35 ans, est le troisième photographe belge exposé au festival L’Œil urbain que nous avons rencontré. Son reportage sur les catcheurs féticheurs de Kinshasa nous montre comment magie noire et costumes de scène rhabillent les chauffeurs de taxi et les vendeurs à la sauvette.

Fisheye : Comment as-tu découvert les catcheurs féticheurs de Kinshasa ?

Colin Delfosse : Je travaille en République démocratique du Congo depuis 2007, sur l’héritage colonial belge, les mines, la politique. Un soir, je suis tombé sur des catcheurs congolais. C’était très fort visuellement. Ca m’a accroché tout de suite, et ça m’a donné l’idée d’en faire un sujet positif et décalé.

Ta manière de travailler a-t-elle évoluée au cours de ce sujet ?

Absolument. J’ai commencé en faisant du reportage en noir et blanc. J’ai vite évolué vers la couleur, un peu en numérique et beaucoup en argentique. Puis je me suis mis au moyen format parce que j’avais envie de faire évoluer mon écriture photographique. J’avais fait un premier travail au 6×6 en Chine, et quand je suis retourné à Kinshasa pour assurer des commandes pour la presse j’en ai profité pour réaliser les portraits des catcheurs.

© Colin Delfosse / Out of Focus
© Colin Delfosse / Out of Focus

Comment as-tu mis en scène ces portraits ?

Ce sont des portraits documentaires. Comme je connaissais les catcheurs, je leur demandais de se mettre en tenue et je les faisais poser chez eux ou à la sortie du ring. Parce que l’idée, c’était de montrer en toile de fond leur univers à Kinshasa. Cette ville de plus de 10 millions d’habitants est complètement dingue : beaucoup de gens vivent dans des taudis, sans électricité ni eau courante.

Quelle place tient le catch dans leur quotidien ?

Faire du catch, c’est une manière d’exister socialement. En plus de leurs petits boulots, ça leur permet de gagner un peu d’argent en plus. Dans les quartiers périphériques de Kinshasa, tout le monde les connaît. On les appelle par leur nom de catcheur.

Les catcheurs ont-ils vu tes images ?

Ce reportage s’est déroulé sur plusieurs années. Je suis retourné de nombreuses fois à Kinshasa et j’ai eu l’occasion de donner à chacun son portrait. J’ai même monté une exposition autour de ce travail à l’Institut français de Kinshasa. Un événement qui a été une belle reconnaissance. Par la suite, ils s’en sont servi sur leur profil Facebook et pour faire des affiches.

© Colin Delfosse / Out of Focus
© Colin Delfosse / Out of Focus

Quel regard portes-tu sur ce pays où tu travailles depuis dix ans ?

C’est un pays marqué par la guerre, en plein processus de démocratisation. Mon approche là-bas s’est modifiée au fil du temps. Il y a des gens qui ont peur de Kinshasa. Moi j’aime cette ville, elle en dit long sur l’Afrique contemporaine. Je voulais montrer autre chose que les horreurs qui peuvent s’y dérouler.

Propos recueillis par Éric Karsenty | Mise en page par Marie Moglia

Toute armée forgée contre moi sera sans effet

Éditions 77, 40 €, 80 pages

Explorez
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
© Lieh Sugai
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
Le Premi Fotografia Femenina Fisheye x InCadaqués a révélé le nom de sa lauréate 2025 : il s’agit de Lieh Sugai. Composée de...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L'errance incarnée par Alison McCauley
© Alison McCauley, Anywhere But Here
L’errance incarnée par Alison McCauley
Avec Anywhere But Here (« Partout sauf ici », en français), Alison McCauley signe un livre d’une grande justesse émotionnelle. Par une...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Charlotte Yonga et les amours (im)possibles à Madagascar
(Tsy) Possible © Charlotte Yonga
Charlotte Yonga et les amours (im)possibles à Madagascar
Avec sa série (Tsy) Possible, Charlotte Yonga sonde les liens d’amour et de filiation dans la société malgache. Elle expose les dualités...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
© Ecaterina Rusu / Instagram
La sélection Instagram #523 : loup y es-tu ?
Photographier signifie souvent montrer, dévoiler, révéler. Pourtant, il arrive que ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif ne...
09 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot