Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité de la semaine. L’artiste français Stéphane Guillaume ne cesse d’interroger, déformer et reconstruire notre réalité. Il propose à travers ses séries Décorum, Retouche, Ici, ou Looking for Bacon une réflexion fascinante sur le tangible et l’intangible.
« L’information devrait offrir une compréhension stable du monde et constituer un progrès. Mais notre société de surinformation perturbe ma perception du réel », annonce Stéphane Guillaume. Après avoir enseigné les arts plastiques, ce dernier a renoué avec la pratique il y a quelques années. Depuis, il « papillonne d’un projet à l’autre sans trop [se] soucier de l’apparente cohérence de l’ensemble – par refus de creuser un même sillon, et pour le plaisir de l’exploration ».
Son leitmotiv ? Interroger et réécrire le réel. C’est à l’occasion de sa série Décorum, qu’il enclenche son processus de réflexion sur la notion d’intervention. « À l’époque, je modifiais directement le réel. J’essayais de faire émerger une réalité parallèle, pouvant jouer avec l’inconscient », se souvient l’artiste. Il a continué à réécrire le réel dans ses séries suivantes intitulées Retouche, Ici, et Looking for Bacon. « La capture du réel me fascine, mais je m’intéresse à sa déréalisation. J’aime le rapport de tension entre la dimension spéculaire et l’étrangeté », complète Stéphane Guillaume. Alors, il transforme, remodèle des scènes de vie ou des visages en ajoutant des formes – des masques devenus intrusions visuelles. Dans Looking for Bacon par exemple, il a photographié des débats télévisés et déconstruit des figures, dont « la voix est censée faire sens ».
« Toute photographie est une fiction qui se prétend véritable », Le baiser de Judas ; Photographie et vérité, Joan Fontcuberta.
« La perception du réel aurait-elle plus de pouvoir sur nous que la réalité elle-même ? L’artiste s’interroge et ouvre un espace de réflexions infini. Nous vivons dans un monde où le réel nous est présenté transformé, filtré. Il nous échappe. Ne faut-il pas se méfier de l’apparente proximité de la photographie avec lui ? ». Comme René Magritte, il questionne la notion de représentation d’une image. Et comme Francis Bacon, il défigure, disloque les surfaces, les visages, et in fine l’humanité. Déconcertantes, voire violentes, ses images, pourtant, captivent. « Modifier le réel, c’est créer une insécurité, quelque chose d’inconfortable. C’est peut-être une manière de questionner l’assurance et la confiance que nous voulons trouver dans le tangible », explique-t-il. Perte de sens, redéfinition de nos identités ou disparition de l’être humain ? Les images de Stéphane Guillaume offrent de multiples interprétations, et perspectives.
© Stéphane Guilaume