Photographe et réalisateur australien, Matthew Thorne produit des récits à la fois documentaires et intimes. The sand that ate the sea se déroule dans un village du sud de l’Australie, Andamooka.
La première expérience de Matthew Thorne avec la photographie fut un échec. Au lycée, le photographe australien avait dû photographier à l’argentique un jardin botanique. Impatient de découvrir ses images, Matthew avait été déçu lorsque sa professeure lui avait rendu des impressions complètement noires. « Elle m’avait même conseillé de ne jamais devenir photographe », se souvient-il. Quelques années plus tard, il reprenait son boitier. Et il ne l’a plus jamais quitté.
Pour lui, la photographie est un moyen de découvrir les gens. « Beaucoup de personnes m’ont dit que si je n’étais pas satisfait de mes photos, c’est parce que je ne m’étais pas assez approché de mon sujet », explique-t-il. Si les barrières sociales nous poussent à rester en retrait, Matthew se plonge avec passion dans chacun de ses projets. « Je suis persuadée qu’il faut être dévoué. Il faut s’intégrer aux communautés, s’ouvrir aux invitations que nous lance le monde », confie-t-il. Pour réaliser The sand that ate the sea, un projet cinématographique et photographique, l’artiste s’est rendu dans un village minier du sud de l’Australie : Andamooka. « J’y ai vécu six mois. C’était à la fois incroyable et amusant… L’endroit ressemble au Far West, une ville créée durant la conquête, et les habitants y sont solidement attachés ». Dans ce paysage désertique et solitaire, l’histoire de Matthew prend forme.
Tromper la réalité
The sand ate the sea
s’est imposé à Matthew comme une création hybride, à la fois documentaire et intime. « Je voulais documenter cette communauté, mais également traiter les thèmes de la paternité, de l’isolation, et de la magie de ces terres », explique-t-il. Un vaste sujet, inspiré par sa propre histoire. « Je m’interrogeais sur le sens de notre vie, à quel point celle-ci est prédéterminée, précise l’artiste. Tous les hommes du côté paternel de ma famille sont décédés d’une crise cardiaque entre 55 et 75 ans », ajoute-t-il. Une menace pesant sur ses épaules. Le récit alterne alors entre la gentillesse des habitants d’Andamooka, perdus dans cet îlot urbain au milieu du désert, et l’ombre de la mort. « Lorsque mon père est parti, j’ai perdu mon innocence, ajoute Matthew. J’avais devant moi la réalité du monde, de nos choix… La solidité des choses et la certitude qu’elles s’écrouleraient ».
Alternant entre couleur et noir et blanc, la série joue avec nos perceptions. Plongé dans une sorte de réalisme magique, le photographe nous trouble. « Je n’ai jamais ressenti le besoin de séparer le monochrome de la couleur, explique-t-il. Ce sont simplement des sensations différentes ». Les clichés défilent à la manière d’un rêve, d’un souvenir lointain. La couleur revient parfois en mémoire, puis l’expression d’un visage. Autant de moments précieux que Matthew a partagés avec la communauté australienne. Des rencontres marquantes ? « Il y a bien des récits magnifiques, narrés par de talentueux orateurs, commente le photographe. Mais il vous faudra y aller pour les entendre ! Elles vous seront sans doute racontées par les hennissements des chevaux… »
© Matthew Thorne