Fion Hung Ching Yan place la photographie au service du chaos

25 février 2023   •  
Écrit par Milena III
Fion Hung Ching Yan place la photographie au service du chaos

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Avec sa série surréaliste Skeletons In The Closet, la Hongkongaise Fion Hung Ching Yan met en scène le climat oppressant de sa famille, l’autorité subie et l’intégrité retrouvée.

« Mon travail est subversif : j’essaie de renverser l’autorité de ma famille, la pression filiale qu’elle a exercée sur moi au fil des années. » Affirmée dans ses propos, Fion Hung Ching Yan est habitée depuis l’enfance par les questions de déterminisme et de liberté. Pour exprimer ce sentiment complexe d’être aux prises avec un héritage familial pesant, elle n’a trouvé de meilleur moyen que la métaphore visuelle permise par le biais photographique. Jeune artiste émergente de Hong Kong, Fion ne se limite pas à la photographie numérique, mais multiplie au contraire les supports – collages, photographie analogique, design, expérimentations plastiques… Exposée à Hong Kong, Taïwan, en Thaïlande, en Corée du Sud, en Allemagne et en Italie, son œuvre consiste toujours en un travail sur le lien entre texte et image, sous formes d’installations et de livres.

Puisant du côté des grands surréalistes – avec des références quasi explicites à Magritte et à Dalí – et des marques de mode telles que COS, Camper et Switch, pour leur mise en scène du mannequinat et leurs combinaisons d’objets, l’artiste aime immerger les regardeur·ses dans une sorte de maison de poupée qu’elle aurait créée de toute pièce. En témoigne sa série Skeletons In The Closet, qui apparaît ici comme une critique du rituel qui dépersonnalise, et surtout d’un asservissement des enfants au service des aîné·es.

© Fion Hung Ching YanStealing Oranges To Take Home For His Mother, © Fion Hung Ching Yan

Trouble et distortions

Pour Fion Hung Ching Yan, toute création débute avec un travail de mise en scène à la fois étrange, ridicule et ironique. L’occasion pour elle de réaliser de manière précise les saynètes qu’elle s’imagine – respectant à la lettre les jeux de composition et de couleurs. Mais son œuvre peut également être particulièrement inquiétante, comme le suggère le nom de sa série la plus récente, Skeletons In The Closet (une expression anglaise évoquant le fait d’avoir des choses à cacher, NDLR). Sans jamais entrer dans les détails de son intimité familiale, elle fait référence ici à un ensemble de vieux contes chinois, intitulés 24 Paragons of Filial Piety (Les 24 paragons de la piété filiale), en utilisant directement le titre de chaque histoire dans l’image correspondante. Un ensemble visuellement frappant qui suggère l’obsession, et évoque en contrepoint le thème de la folie – à travers la présence de médicaments dans plusieurs photographies, ainsi que des effets visuels qui troublent l’image, notamment.« La folie, c’est le résultat du niveau de stress que ma famille élargie a fait peser sur moi au fil des ans et qui n’a pas pu être libéré », déclare l’artiste.

Sur fond de subversion des traditions culturelles et familiales dont elle est issue, Fion Hung Ching Yan crée un chaos visuel de toute part – notamment par la prolifération des objets ou la récurrence de l’idée du corps distordu et démembré. Parmi les images marquantes de cette série, on trouve ainsi une photographie d’un bras noyé au milieu de solutions médicamenteuses intitulée He Personally Tested His Mother’s Prescriptions (Il goûta lui-même les médicaments prescrits pour sa mère), ou, plus trash, With Deep Concern, Tasting His Father’s Stool (Avec une grande inquiétude, il goûta les selles de son père)qui reprend un conte dans lequel un fils loyal goûte les selles de son père pour vérifier s’il est malade. « Avec la photographie, je veux montrer la version de la réalité qu’on ne voit pas. Je veux retrouver mon autorité pour pouvoir parler et ne pas me faire demander de me taire », conclut-elle.

© Fion Hung Ching Yan

© Serving Wooden Statues Of His Parents

© Fion Hung Ching Yan© Fion Hung Ching Yan

© à g. Attracting Mosquitoes To Drink His Blood, à d. He Personally Tested His Mother’s Prescriptions

© Fion Hung Ching Yan

© Costumes And Pranks To Amuse His Parents

© Fion Hung Ching Yan© Fion Hung Ching Yan

© à g. Tears That Brought Bamboo-shoots From The Frozen Earth, à d. He Fanned The Pillows And Warmed The Sheets

© Fion Hung Ching Yan

Explorez
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans à la Bpi, janvier 2025 © Centre Pompidou
Wolfgang Tillmans revient sur sa carte blanche au Centre Pompidou
Le Centre Pompidou lui donne carte blanche jusqu’au 22 septembre 2025, dernier accrochage avant la fermeture du bâtiment pour cinq ans de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
© Marco Dos Santos
Marco Dos Santos fait feu de tout bois
Mais peut-il seulement tenir en place ? Depuis plus de vingt ans, Marco Dos Santos trace une trajectoire indocile à travers les scènes...
02 juillet 2025   •  
Écrit par Milena III
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
© Melina Barberi
Pentax x Nation Photo x Fisheye : trois visions du surréalisme à Arles
À l’occasion des Rencontres d’Arles 2025, Fisheye Magazine, en collaboration avec Pentax et Nation Photo, a lancé un concours de...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
© Miriana Corabi / Instagram
La sélection Instagram #513 : les yeux dans les yeux
À travers des autoportraits, des photographies de leurs proches et d'inconnu·es, les artistes de notre sélection Instagram de la...
01 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
© Nicolas Serve
Arles 2025 : à la Galerie Triangle, la jeunesse a le dernier mot
À l’occasion des Rencontres de la photographie d’Arles 2025, la Galerie Triangle revient avec GÉNÉRATION, un événement dense et...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
L'été photographique de Lectoure : rassembler par l'image
Parce que. Ici., 2021-2025 © Anne Desplantez & les enfants du Sarthé
L’été photographique de Lectoure : rassembler par l’image
« Ensemble », l’édition 2025 de L’été photographique de Lectoure, met à l'honneur le collectif. Du 12 juillet au 21 septembre 2025, la...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
© Luke Evans
Fisheye #72 : la photographie comme acte de résistance
À travers son numéro #72, Fisheye donne à voir des photographes qui considèrent leur médium de prédilection comme un outil de...
03 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet