Fisheye #67 : notre monde en fiction

03 septembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Fisheye #67 : notre monde en fiction
© Matthieu Croizier
© Maja Daniels
© Ludovica De Santis
© Vimala Pons / Nhu Xuan Hua

En cette rentrée 2024, Fisheye vous invite à prendre de la hauteur. Lorsque le contexte géopolitique, écologique ou encore social devient trop pesant, l’imaginaire n’est-il pas un espace propice à l’évasion ? La fiction un miroir déformé du réel nous permettant, parfois, de trouver des réponses à nos questions ?

« Quand le présent devient anxiogène, le fictif est une échappatoire, une fenêtre sur autant d’univers qu’il est possible d’en créer. C’est aussi un moyen de parler du réel et d’observer ce qui nous entoure tout en faisant un pas de côté. » C’est en ces mots que la rédaction de Fisheye ouvre le dossier du dernier numéro, dédié à la construction des imaginaires. Jouant avec la vidéo, la scénographie, l’édition, ou tout simplement les écritures photographiques, les intervenant·es de notre dossier spécial (Mona Chollet, The Eyes éditions, BigTime studio, Louise Ernandez ou encore Stefano Stoll) érigent, développent ou encouragent des approches immersives pour stimuler le goût des regardeur·ses pour l’invention. Car à travers ces « œuvres protéiformes oniriques, poétiques, dystopiques, intrigantes, ubuesques, surnaturelles, voire totalement artificielles », nos esprits trouvent la force nécessaire d’affronter les tumultes du réel.

Héroïnes, chute lunaire et sorcellerie

Dans notre cahier central, les photographes multiplient les supports, les esthétiques, les techniques pour créer un virage vers l’imaginaire. Remarquées à Arles cet été, Vimala Pons et Nhu Xuan Hua font de Heaven and Hell une œuvre-installation hybride, où la scénographie a autant sa place que le portrait ou même la bande son. Inspirées par les héroïnes emblématiques de nos adolescences, elles construisent un espace-maison surréel où le poids des choses correspond à celui de leur charge mentale. En proie à une anxiété liée à la pandémie, à l’urgence écologique et aux prémices de la guerre d’Ukraine, Diambra Mariani imagine, en 2020, We can’t imagine the length of time it took to make the universe, un projet onirique inspiré par les vers d’un poème. Illustrant la chute d’une lune dans l’océan pacifique, elle parvient à laisser la beauté de sa création la calmer, face à l’angoisse d’un quotidien incertain. À Älvdalen, en Suède, Maja Daniels part quant à elle sur les traces de Gertrud, une jeune fille de douze ans accusée de sorcellerie. Mêlant clichés incandescents et images et noir et blanc, la photographe interroge le rapport entre art et magie, érigeant volontairement une narration sans chronologie dans laquelle le·a lecteurice est libre de plonger, pour y découvrir ses propres fictions.

Rêves lucides, IA et théories du complot

C’est un détour vers le rêve que construit ensuite Éric Tabuchi avec The Third Atlas. À l’aide de Midjourney, il imagine une « fable postapocalyptique commençant par une explosion nucléaire ». Ressenti comme véritable transe, son processus de création lui permet de développer un univers entre rêve et cauchemar qu’il conçoit les yeux fermés pour mieux se connecter à son inconscient. Elle aussi fascinée par le lien entre intelligence artificielle et imaginaire, Ludovica De Santis expérimente avec les rêves lucides, qu’elle associe au processus créatif lié à l’IA : « inventer des situations à partir du néant ». Onironautica s’impose alors comme un voyage hallucinatoire dans un ordinaire légèrement désaccordé. Les bâtiments s’y tordent et les corps s’y déforment pour mieux refléter l’absurdité du réel. Enfin, Viktoriia Tymonova s’intéresse, dans We want to know the truth, aux « boules de foudres », phénomènes météorologiques mystérieux, terrain fertile pour de nombreuses théories complotistes – notamment dans son pays d’origine : l’Ukraine. Croisant photographies et fausses coupures de journaux, captures d’écran et vidéosurveillance, elle fait mine d’enquêter, endossant le rôle d’une citoyenne inquiète, exigeant, sans plus tarder, des explications.

Retrouvez, dès demain, Fisheye #67 : Fiction dans les kiosques, ainsi que sur notre store, et ne ratez pas nos lectures de portfolio et soirée de lancement, le 12 septembre au Point éphémère !

© Fisheye Magazine
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