Créé par les équipes de Fisheye, Focus est un format vidéo innovant qui permet de découvrir une série photo en étant guidé·e par la parole de son auteur·ice. Cette narration originale à travers une mosaïque d’images et un habillage sonore nous entraîne dans un parcours immersif sensible et stimulant. Ancien·ne mannequin, éditorial décalé, design et accessoires politiques… Cette fois, les trois films sélectionnés nous embarquent dans un milieu qui revêt de nombreux masques : la mode. Plongée dans les coups de cœur Focus publiés dans Fisheye #70.
Focus #23 – Matilde Søes Rasmussen
Flashs crus, selfies loufoques, patchs anti-cernes, rubans de mesure… Ancienne mannequin, Matilde Søes Rasmussen révèle, dans Unprofessional, l’envers du décor derrière les paillettes qui dissimulent la noirceur. Avec un humour à toute épreuve, l’artiste dano-suédoise capture les silhouettes longilignes, les repas exotiques et les rires, mais aussi l’épuisement et la pression derrière l’éclat d’un monde fantasmé. « Je désire me présenter comme cette industrie me voit : un produit pour une marque, un récipient vide. Et plus je le suis, mieux je peux porter ce qu’on me demande de porter », déclare-t-elle. Au fil de ses commentaires, les images, amusantes et déroutantes, se parent d’une nouvelle profondeur. Car la légèreté qu’on y perçoit va de pair avec la notion de « déshumanisation » que souligne l’autrice. Plus qu’un simple journal de bord, la série aborde, en filigrane, la capitalisation systématique du corps – un phénomène dépassant le mannequinat. « On le retrouve aussi dans la guerre ou le travail du sexe », rappelle d’ailleurs Matilde Søes Rasmussen.
Focus #7 – Kourtney Roy
« Dans mon travail personnel, j’entreprends, en quelque sorte, une forme de “tourisme d’identité” puisque je deviens d’autres personnages », confie Kourtney Roy. Dans The Tourist, le soleil brille sur les plages de Cancún et Miami, « ces lieux un peu trash et vulgaires, mais aussi magnifiques et incroyables ». Les requins sont gonflables uniquement, les corps huilés et bodybuildés, les ongles longs et strassés. La composition peut faire penser à des images publicitaires. On s’attend presque à y voir surgir le logo d’une marque de crème solaire ou de maillot de bain. Pourtant, il n’en est rien. Souhaitant avant tout s’amuser de notre propre absurdité, la photographe canadienne compose ses mises en scène en laissant à l’improvisation une place suffisante pour convoquer l’extraordinaire. Dès lors, les femmes qu’elle campe – une baigneuse aventurière, une cougar fortunée en plein ennui, une petite amie à la ringardise assumée – deviennent des modèles décalées, tant hilarantes que rafraîchissantes. Une belle manière de détourner les codes de la mode pour en interroger le sérieux.
Focus #37 – Kamila K Stanley
Projet au long cours, Declaring Independence est né au lendemain de la mise en place du Brexit, en 2020 – un événement marquant pour son autrice, Kamila K Stanley. « Je suis britannico-polonaise, j’ai vécu en France, en Espagne, en Autriche, et je crois que d’une certaine manière, je me suis toujours sentie européenne sans jamais le réaliser », nous explique-t-elle. Face à un renforcement douanier et migratoire aux frontières, la photographe décide de s’affranchir de ces dernières en imaginant un tour du continent synonyme de liberté, « pour comprendre ce qu’être Européen·ne signifie vraiment ». Au fil du voyage, elle collecte des portraits de personnes souvent sous-représenté·es dans les médias – femmes, queers, individus en situation de handicap, minorités raciales ou religieuses – habillé·es par des designer·euses locaux·ales. Dans la rue, avec la lune ou le soleil pour éclairage et une spontanéité touchante, l’artiste révèle ses modèles tout en célébrant le talent des créateur·ices avec lesquel·les elle collabore. En résulte une mosaïque colorée, imprégnée de la volonté vibrante de se délivrer des carcans qu’on nous impose.
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