Focus : comment instaurer l’immersion

16 octobre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Focus : comment instaurer l’immersion
© Emily Graham
cadre portrait de Jésus
© Rhiannon Adam
plantes oranges
© Emily Graham

Comment se construisent les imaginaires dévoilés dans Focus, notre format vidéo né il y a plus de deux ans ? Réalisatrice spécialiste des films photo, Alexe Liebert a produit avec Fisheye une quarantaine d’épisodes, pour lesquels elle a érigé des univers immersifs faits d’images et d’ambiances sonores.

« Ce qui me plaît, dans le montage de films photographiques, c’est de partir d’un élément qui existe déjà, qui constitue presque un espace fermé, mais auquel il manque une ampleur, une ouverture, qui passe par le son. C’est ce son qui nous permet de nous immerger davantage dans l’image », confie Alexe Liebert. Autrice, réalisatrice, fondatrice et directrice artistique des Nuits Photo – festival dédié à ce médium hybride –, elle a développé pour Fisheye l’identité des Focus en contribuant à la création de 39 épisodes. Une collaboration d’envergure lui ayant permis de se confronter à des mondes uniques et des histoires singulières, sublimées à l’aide d’atmosphères, de sons, de références venant habiller le projet photographique et soutenir la voix off de l’artiste exposant sa démarche.

Une question de nuances

Comment s’affranchir des contraintes de l’image fixe ? De quelle manière nourrir une œuvre à part entière sans la polluer, amplifier la narration tout en conservant son fil rouge ? Travaillant longuement en amont de chaque rencontre avec les photographes pour s’imprégner des différents visuels et imaginer les ébauches d’une trame, Alexe Liebert passe en revue des heures d’interviews dont elle extrait des rushs audio de cinq à dix minutes. Ceux-ci constituent le cœur du récit. Un exercice s’avérant parfois complexe. « Certains entretiens sont tellement passionnants – je pense à ceux de Christine Spengler, Rhiannon Adam ou SMITH, par exemple – qu’il devient presque impossible de ne pas dépasser la durée imposée », explique-t-elle. À l’issue de cette première étape, l’histoire est déjà formée – il faut désormais la rendre plus immersive. Pour y parvenir, tout est une question de nuances : « L’idée est d’essayer d’apporter des informations supplémentaires grâce à l’habillage sonore. Pour certains épisodes – comme celui de Cyril Abad sur les pasteurs testant leur foi à coup de morsures de serpents, ou la chasse au trésor non élucidée d’Emily Graham –, la dimension narrative est telle que le Focus doit être construit comme un film et le sonoriser en tant que tel, à l’aide de bruitages au bon moment. Pour les travaux plastiques ou documentaires, c’est plus compliqué, on doit creuser. C’est d’autant plus difficile lorsqu’il s’agit d’un sujet d’actualité : il faut faire très attention à ne pas commettre d’impair, à ne pas faire de contresens », précise la réalisatrice.

Plus qu’un simple ajout à un projet existant, Alexe Liebert conçoit les Focus – et ses autres films photo – comme des objets à part. Inspirée par la théorie de « la troisième image de Jean-Luc Godard », elle s’attache à faire émerger une nouvelle œuvre en fusionnant les deux médiums. Justifiant chaque choix créatif, chaque raccord son-image-parole, elle fait des épisodes des capsules résolument uniques. Une manière pour elle de déconstruire les codes du 7e art tout en contournant les contraintes de l’image fixe pour convoquer l’intrigue et poursuivre ses explorations. « Je considère le film photographique comme un objet non-binaire. Il y a d’un côté la photo, de l’autre, le cinéma, et entre les deux, un prisme infini d’identités, d’écritures, d’expérimentations qu’il faut découvrir sans avoir peur d’être rangé·e dans une case », conclut-elle.

ville à la caméra thermique
© SMITH
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