Dans Longyan Boys, le photographe chinois Greg Lin Jiajie retourne dans sa ville natale et recompose les souvenirs d’enfance partagés avec son jumeau. Les deux frères aux caractères si différents s’unissent dans ce récit visuel intime et familial.
Aussi intrigante que fascinante, la gémellité capte les regards depuis la nuit des temps. En photographie, le sujet attire et les séries se multiplient. Pour Greg Lin Jiajie, né d’une grossesse gémellaire, sa représentation s’est imposée telle une une évidence. Originaire de la province de Fujian, plus précisément de la ville de Longyan, l’artiste chinois définit son approche comme narrative. « La photo est une expérience profondément personnelle et émotionnelle, je m’efforce à transmettre ses qualités dans chacune de mes images », précise celui qui a débuté le médium à l’adolescence. Désormais installé à Londres, il n’hésite pas à retourner dans sa ville natale afin de capturer l’environnement où il a grandi et réaliser des autoportraits avec son frère. Ce projet donne naissance à Longyan Boys, une série offrant une vision double sur ces deux jumeaux monozygotes aux personnalités opposées.
Alors que certaines paires de jumeaux·lles fusionnent en tout point, pour d’autres la gémellité est synonyme de contrainte et d’absence de singularité. Malgré sa proximité avec son frère pendant toute son enfance et « le lien unique difficile à décrire », qu’ils partagent, Greg Lin Jiajie souffre rapidement d’un sentiment de perte d’identité. À l’âge de 16 ans, le photographe fait ses bagages et quitte le domicile familial en direction de la Nouvelle-Zélande, puis du Royaume-Uni. « J’ai voulu affirmer mon individualité et me séparer de mon frère. Je voulais avoir ma propre identité, mes propres loisirs et mes propres ami·es », confie l’artiste. Quelques années plus tard, les regrets font surface lorsqu’il constate les nombreuses occasions manquées de se lier à lui. À travers le 8e art, il décide d’explorer leur enfance commune et de créer de nouveaux souvenirs tout en effectuant un « voyage d’acceptation de soi ».
Des êtres identiques aux regards qui diffèrent
« Nos expériences de vies, nos intérêts et nos influences différent·es ont façonné ce que nous sommes aujourd’hui. Si nous partageons des traits physiques similaires, nos personnalités, nos points de vue et nos parcours de vie sont distinct·es l’un de l’autre », déclare-t-il. Entre autoportraits et images minimalistes, les deux hommes se vêtissent de la même manière afin de recréer des bribes de leur enfance commune. Véritable conte visuel, cette histoire familiale s’invite avec légèreté et poésie au cœur de la nature chinoise. Et pourtant, de leurs regards émanent deux émotions dissemblables. « Mon frère travaille dans l’entreprise familiale et n’est pas particulièrement artiste. Sa participation est basée uniquement sur sa volonté de me soutenir. Ceci étant dit, il aime voir les moments que nous avons partagés capturés de cette manière », explique Greg Lin Jiajie. La photographie se transforme alors en un prétexte merveilleux afin de saisir cette reconnexion intime, loin de la dualité.
Avec une bribe de nostalgie, il se remémore un cliché, celui où ils se tiennent au bord d’un étang, sur le point de se baigner : « Elle occupe une place particulière dans mon cœur, car elle me ramène aux interminables étés que nous avons passés ensemble lorsque nous étions enfants. Elle me rappelle le lien qui nous unissait et la joie insouciante éprouvée pendant ces moments ». En cours depuis 2018, Longyan Boys continue d’évoluer et de grandir, à l’image de la relation entretenue par les deux frères. « Finalement, ce projet est un plaidoyer pour l’intimité et pour la complicité entre deux personnes qui peuvent se ressembler, mais qui diffèrent à bien des égards », conclut l’artiste.
© Greg Lin Jiajie